Sténoses oesophagiennes bénignes

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les principales causes de sténoses bénignes
  • Faire le diagnostic de sténose bénigne
  • Connaître les différents traitements, leurs résultats et leurs risques
  • Savoir prendre en charge les sténoses réfractaires

Conflit d’intérêt

Aucun

 

Mots-clés : sténoses réfractaires, dilatation endoscopique, prothèses oesophagiennes

Étiologies et caractéristiques des sténoses bénignes

Les sténoses bénignes de l’œsophage étaient majoritairement secondaires aux complications du reflux acide mais le traitement par les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) a limité leur incidence. Les autres causes sont dominées par les sténoses radiques, anastomotiques et caustiques et sont décrites dans le Tableau 1 (l’achalasie n’est pas abordée dans ce chapitre). La dysphagie décrite par les patients est liée au rétrécissement de la lumière œsophagienne, mais également au développement de troubles moteurs sous-jacents, particulièrement dans les sténoses induites par les résections endoscopiques [1]. Elle est responsable d’une altération sévère de la qualité de vie et de l’état nutritionnel des patients. Les sténoses radiques compliquent principalement les cancers pharyngo-laryngés opérés et irradiés avec une incidence moyenne calculée dans une récente méta analyse de 16,7 % [2], mais pouvant atteindre 40 %. Les sténoses anastomotiques survenant après œsophagectomie compliquent 5 à 46 % des anastomoses œso-gastriques, jéjunales ou coliques et sont d’autant plus fréquentes qu’il y a eu fistule, ischémie de l’anastomose ou saignement [3]. Chez l’enfant, les sténoses sont secondaires aux chirurgies de l’atrésie de l’œsophage qui se compliquent de sténoses dans 8 à 49 % des cas [4] et aux ingestions caustiques. Les anneaux de Schatzki sont très fréquents dans la population générale et parfois associés à des blocages alimentaires et/ou une dysphagie. Un registre prospectif américain analysant les données des 30 377 gastroscopies réalisées pour dysphagie a montré une fréquence d’anneaux de Schatzki de 13,5 % [5]. Une hernie hiatale est associée dans 97 % des cas et plus de 50 % des patients ont un diamètre de l’anneau inférieur à 13 mm [6] (Fig. 1). L’actualité est dominée par les sténoses secondaires aux techniques de résection muqueuse œsophagiennes dont les indications dans le traitement des cancers superficiels de l’œsophage sont croissantes. La mucosectomie mais surtout la dissection sous muqueuse, sont associées à un risque de sténose de 90 %, lorsque plus des 3/4 de la cir­conférence sont réséqués, la profondeur histologique étant le deuxième facteur de risque de la dissection [7].

Tableau I

Étiologie des sténoses bénignes de l’oesophage
Sténoses peptiques
Sténoses radiques
Sténoses anastomotiques
Sténoses caustiques
Sténoses post résections muqueuses oesophagiennes étendues (ESD)
Anneaux de Schatzki
OEsophagites à éosinophiles
Sténoses secondaires aux sclérothérapies
Membranes congénitales et syndrome de Plummer-Vinson
Figure 1. Anneau de Schatzki

Figure 1. Anneau de Schatzki

La caractérisation des sténoses est primordiale afin de définir la stratégie thérapeutique. On distingue les sténoses simples (peu serrées, courtes et droites) qui sont l’apanage des sténoses anastomotiques, peptiques et des anneaux et les sténoses complexes (serrées, souvent non franchissables et longues (> 2cm)) que l’on rencontre fréquemment dans les sténoses radiques et caustiques. Ces dernières vont être en général plus difficiles à traiter.

La première étape de traitement est toujours une dilatation endoscopique, qui peut se faire à la bougie ou au ­ballon hydraulique et dont l’efficacité moyenne après 3 dilatations est supérieure à 80 %. Un tiers des sténoses va malheureusement poser problème, soit en récidivant, soit parce que la dilatation ne permet pas de lever la dysphagie [8]. Kochman et al. ont proposé une définition des sténoses réfractaires et récidivantes [9]. Les sténoses réfractaires sont celles qui sont toujours responsables d’une dysphagie de grade II et/ou d’une impossibilité d’obtenir un diamètre des sténoses d’au moins 14 mm, après 5 sessions de dilatations espacées de 2 semaines. Les sténoses récidivantes sont celles pour lesquelles il est impossible de maintenir un diamètre sténotique satisfaisant au moins 4 semaines après avoir atteint une cible de 14 mm.

Techniques de dilatation

La dilatation des sténoses a fait l’objet d’ une recommandation de pratique en 2004 dans Gut [10] et une fiche de recommandation par la SFED réactualisée en 2010 détaille avec précision la technique [11, 12]. Nous rappellerons dans le paragraphe suivant les grandes lignes de la technique.

Avant de réaliser le geste, il convient de rappeler que le patient doit être informé des risques et bénéfices de la technique. Les anticoagulants oraux et antiagrégants plaquettaires (sauf l’aspirine selon le risque thrombotique) doivent être arrêtés avant le geste [13] et un traitement par double dose d’IPP doit être prescrit particulièrement dans les sténoses peptiques et réfractaires. Les sténoses doivent faire l’objet d’une caractérisation endoscopique et/ou radiologique minutieuse et des biopsies doivent être réalisées pour éliminer une néoplasie. La mesure du diamètre de la sténose peut être estimée par l’évaluation du passage d’un gastroscope standard (> 10 mm), naso gastroscope ou gastroscope slim (5-9 mm), ou la possibilité de passer uniquement l’extrémité d’un cathéter (2-5 mm). La hauteur de la sténose peut être évaluée visuellement à l’aide du marquage de l’endoscope ou surtout grâce à la fluoroscopie et éventuellement une injection de produit de contraste au travers de la sténose. Sa localisation sur l’œsophage, son trajet et la présence d’une hernie hiatale ou d’un diverticule doivent être évalués.

La dilatation peut être réalisée à l’aide de bougies de dilatation ou bien d’un ballon. Il n’y a pas de différence démontrée en termes d’efficacité ou de compli­cations mais les ballons, malgré leur coût, connaissent une utilisation croissante favorisée par leur taille variable, le fait d’être à usage unique, et la force d’expansion. Par ailleurs, le ballon exerce son action de dilatation par une force radiale alors que la bougie exerce en plus une pression longitudinale sur la sténose, pouvant faire craindre plus de complications.

Enfin, l’évaluation de la réponse après dilatation se fait à l’aide d’un score de dysphagie (grade I : alimentation normale, grade II : alimentation mixée, grade III : alimentation liquide, grade IV : liquides non ou difficilement tolérés) [14] et par l’évaluation endoscopique du diamètre de la sténose après dilatation.

Dilatation à la bougie

Le modèle de bougie le plus couramment utilisé est la bougie réutilisable de Savary-Gilliard (WilsonCook Medical Inc., Winston Salem, USA). Il s’agit de tubes de polyvinyle, effilés à leur extrémité, dont les diamètres vont de 5 à 20 mm. Un fil guide réutilisable (rigide à flexibilité progressive, de type « savary », en général) est utilisé, et lors des premières séances de dilatation de sténoses serrées, son introduction peut nécessiter l’utilisation de la fluoroscopie afin de positionner son extrémité dans l’antre ou le duodénum. Le diamètre du premier dilatateur doit être légèrement supérieur à celui de la sténose et l’objectif de la dilatation est d’atteindre un diamètre de 13-15 mm. Toutefois, dans le cas d’anneaux de Schatzki il est nécessaire de dilater jusqu’à 20 mm. Van Halsema et al. ont récemment montré dans une série rétrospective de dilatations de sténoses anastomotiques, qu’une dilatation supérieure à 16mm, bien que non associée à un moindre taux de récidive sténotique, permettait de rallonger significativement le temps sans récidive (41,5 jours vs 92 – p < 0.001) [15]. La règle veut que l’on n’utilise pas plus de 3 diamètres successifs de dilatateurs par séance pour éviter la perforation. Le patient est surveillé pendant les 4 heures qui suivent le geste et peut en général sortir le jour même. Des intervalles de deux à quatre semaines entre les sessions sont préconisés.

Dilatations au ballon

Les ballons œsophagiens sont à usage unique : ils s’introduisent à travers l’endoscope (TTS « through the scope ») et ont des diamètres variables en fonction de la pression (de 5 à 20 mm). Ils sont remplis de sérum physiologique ou de produit de contraste, ce qui permet de mieux évaluer la présence et la disparation de l’empreinte de la sténose, et laissés gonfler pendant 20 à 60 secondes (Fig. 2A). La règle des 3 diamètres successifs pour les bougies reste un critère de sécurité applicable pour la dilatation au ballon.

Figure 2. Dilatation au ballon d’une sténose radique. Visualisation de la sténose fibreuse au travers du ballon gonflé (2A).

Figure 2. Dilatation au ballon d’une sténose radique. Visualisation de la sténose fibreuse au travers du ballon gonflé (2A).

Aspect de la sténose après dilatation avec dilacération muqueuse sans perforation (2B)

Aspect de la sténose après dilatation avec dilacération muqueuse sans perforation (2B)

Résultats de la dilatation

Globalement, le bénéfice immédiat des premières séances de dilatation est très bon atteignant 85-93 % dans les sténoses peptiques. Son effet peut être maintenu grâce au traitement par IPP. Dans les sténoses non peptiques, les résultats peuvent être moins bons, en particulier pour les sténoses serrées qui vont nécessiter des séances de ­dilatation plus fréquentes et répétées (toutes les semaines). Dans les sténoses dues à une œsophagite à éosinophile, la dilatation à la bougie permet après 3 séances en moyenne la première année et une dilatation tous les 2 ans, de faire disparaître la dysphagie et d’éviter les accidents d’impaction ­alimentaire [16].

Les complications sont dominées par la perforation dont le taux rapporté dans la littérature est de 2,1-2,6 % perforations par patient, ce qui correspond à un risque de 0,38-0,53 % par session [14, 17]. Affirmées par la présence d’un emphysème sous cutané cervical, elles doivent être recherchées en examinant l’aspect de la sténose après dilatation qui présente en général une dilacération muqueuse mais sans signes de perforation (Fig. 2B), ou en réalisant un scanner devant toute douleur, fièvre, dyspnée ou tachycardie. Les facteurs de risques sont l’âge avancé des patients, l’inexpérience des opérateurs, les sténoses complexes, l’utilisation de large dilatateurs, et une localisation basse de la sténose [18].

Prise en charge des sténoses réfractaires

Les sténoses réfractaires vont au minimum nécessiter de réitérer les séances de dilatation pendant plusieurs mois afin de limiter au mieux les périodes de dysphagie. Cependant d’autres techniques peuvent être mises en œuvre. Il s’agit des injections intra sténotiques d’agents anti inflammatoire et anti fibrosants, des prothèses œsophagiennes et des incisions radiaires. Un algorithme de prise en charge est ­proposé (Fig. 3).

Figure 3. Algorithme de prise en charge des sténoses bénignes de l’oesophage

Figure 3. Algorithme de prise en charge des sténoses bénignes de l’oesophage

Injections d’anti inflammatoires et anti fibrosants

L’injection de corticoïdes retard dans les sténoses, en complément de la dilatation endoscopique a démontré une efficacité dans plusieurs études concernant les sténoses réfractaires. Le mécanisme d’action des corticoïdes fait intervenir une diminution de synthèse de la matrice cellulaire comme le ­pro-collagène avec pour résultante, une diminution de synthèse du collagène et de la formation de la cicatrice fibreuse rétractile. La technique consiste à injecter dans les 4 quadrants de la sténose (voire aux poles proximaux et distaux), 0,5 ml de triamcinolone (Kenacort retard 40 mg/ml) diluée (1 :1 sérum physiologique). L’injection est réalisée avant la dilatation, mais elle peut se faire après sur les berges de la dilacération muqueuse [19]. Cette dernière méthode est probablement plus intéressante puisque l’injection se fait précisément là ou l’inflammation et la cicatrice fibreuse vont se développer. Toutefois, il faut veiller à ne pas injecter la solution en intramusculaire. Les études randomisées et/ou contrôlées se rapportant à cette technique ont évalué l’efficacité de séances couplant injections et dilatations, répétées toutes les 3 semaines environ jusqu’à obtenir un diamètre de 15 mm. Les résultats tendent à montrer un bénéfice en terme de diminution du nombre de séances de dilatations et d’augmentation du temps sans dysphagie, quelle que soit l’étiologie de la sténose [19, 20], à l’exception d’un travail ne montrant pas d’effet sur les sténoses anastomotiques [21].

La mitomycine C a été utilisée dans des sténoses réfractaires chez l’enfant (caustiques) et l’adulte. Cette drogue anti cancéreuse est appliquée localement, après dilatation, à l’aide d’une compresse imbibée (0,4-mg/mL) pendant 2 à 3 minutes sous contrôle endoscopique. Il faut veiller à ce qu’il n’y ait aucun contact avec la muqueuse saine, ce qui est facilité par l’utilisation d’un cap [22]. Les résultats sur de faibles effectifs après 4 à 6 séances semblent intéressants tant sur la dysphagie que sur le diamètre de la sténose, sans effets secondaires notables [23].

Technique d’incision des sténoses

La première description de cette technique a été proposée pour traiter les anneaux de Schatzki et a été déclinée par la suite aux sténoses anastomotiques. Cette technique est toujours réalisée après échec d’une première phase de dilatation, dans la mesure où elle n’a pas démontré de supériorité. L’outil le plus fréquemment employé est une aiguille à pré-coupe (kneedle knife®) standard mais un bistouri de dissection sous muqueuse peut être utilisé. L’objectif est de sectionner la fibrose afin de restaurer une lumière œsophagienne satisfaisante et pré­venir la récidive de la fibrose. La technique consiste à réaliser des incisions radiaires de la sténose sous contrôle de la vue, parallèlement à l’axe œsophagien [24]. Le nombre d’incisions dépend de la longueur et de la forme de la sténose mais une moyenne de 8 à 12 incisions est observée dans la ­littérature.

En fin de procédure, il convient de s’assurer de l’absence de complications telles que perforations et hémorragies. Une surveillance du patient est effectuée en hospitalisation. Certaines équipes proposent d’associer à la technique un geste de dilatation ou la prise de corticoïdes oraux. Les résultats de la technique pour les anneaux de Schatzki montrent une amélioration de la dysphagie dans près de 85 % des cas [25, 26]. Dans une étude randomisée comparant la technique d’incision avec la dilatation, Wills et al. ont retrouvé une efficacité similaire mais une durée de vie sans dysphagie significativement plus longue [27]. Pour les sténoses anastomotiques, le taux de succès est 80-93 % mais chute à 60-65 % dans les sténoses réfractaires.

Les complications sont principalement représentées par le risque de perforation. Celui-ci varie de 0 à 3,5 % dans la littérature. Un traitement conservateur peut être réalisé la plupart du temps grâce à l’utilisation d’une insufflation CO2 pendant le geste, et la pose de ­prothèses couvertes.

Prothèses œsophagiennes

Les prothèses œsophagiennes sont ­largement utilisées bien que leur indication soit strictement limitée à un traitement de deuxième intention par les récentes recommandations de la société européenne d’endoscopie digestive (ESGE) [28]. Elles sont placées sous contrôle fluoroscopique et endoscopique et pour la majorité d’entre elles ne passent pas dans le canal opérateur de l’endoscope. Trois types de prothèses existent, les prothèses métalliques auto expansives, les prothèses biodégradables et les prothèses plastiques qui ne doivent plus être utilisées.

Quelle que soit la prothèse, une localisation cervicale peut contre indiquer le geste ou nécessiter l’utilisation d’une prothèse asymétrique à collerette courte lorsque la sténose est située à moins de 2 cm du sphincter supérieur de l’œsophage, au risque de ne pas être supportée par le patient.

Parmi les prothèses métalliques, les modèles partiellement couverts ont été abandonnés en raison de l’impaction systématique de la partie non couverte alors même que le risque de migration persiste [29]. Les prothèses métalliques totalement couvertes (FC-SEMS) que proposent plusieurs firmes, étaient ­initialement dévolues aux sténoses malignes et fistules œsophagiennes. Leur extirpabilité a permis leur utilisation dans les situations bénignes, bien que celles-ci posent également le problème de développement d’un tissu de granulation à l’origine de sténoses et de difficultés d’extraction. Classi­que­ment ces prothèses sont laissées en place 4 à 6 semaines et jamais plus de 3 mois en raison du risque d’impaction dont la survenue peut être résolue par la technique du « stent-in-stent » (mise en place temporaire d’une prothèse métallique couverte de même calibre pendant 1-2 semaines permettant de nécroser le tissu ayant recouvert les mailles).

Le risque d’impaction des prothèses métalliques a poussé les firmes à développer des prothèses en plastique. Une seule prothèse plastique est disponible. Il s’agit de la Polyflex (Boston Scientific) composée d’un treillis de polyester recouvert d’une membrane de silicone. Son utilisation est essentiellement dédiée aux sténoses bénignes. Le ­système de largage et de re-position­nement complexe et un réel appren­tissage ont beaucoup limité son utilisation.

Les prothèses bio-dégradables sont faites d’un polymère monocristallin (polydioxanone) qui se résorbe et se délite par hydrolyse en moyenne à 12 semaines, ce qui permet d’éviter son retrait. En revanche elle exerce une force de dilatation radiale pendant les 4 à 6 premières semaines permettant la dilatation des sténoses. Une prothèse est actuellement disponible (SX-ELLA BD Stent, ELLA-CS, s.r.o., Czech Republic®).

Les résultats de ces différentes prothèses ont été analysés dans une méta analyse récente [30]. Dans ce travail, 18 études ont été retenues dont 10 seulement étaient prospectives, et une forte hétérogénéité entre les études était relevée. Les résultats poolés permettaient néanmoins de montrer une efficacité globale des 3 types de prothèses sur la dysphagie de 40,5 % au terme du suivi, sans différence significative selon le type de prothèse. Le taux de migration globale était de 28,6 %, là encore sans différence significative entre le type de prothèse, et les principales complications étaient des douleurs thoraciques, des cas d’hémorragies dont un fatal, de pneumopathies d’inhalation et 4 perforations sur 444 patients traités, soit 20,6 % d’effets secondaires majeurs.

Cas particulier des sténoses post résection muqueuses : prévention et traitement

Le traitement endoscopique des lésions superficielles de l’œsophage a connu récemment d’importants développements grâce à l’introduction de la dissection sous muqueuse. Cette technique permet, pour des lésions larges, d’obtenir une résection en bloc, mais au prix d’un risque de sténose majeur lorsque l’on dépasse une résection de plus des 3/4 de la circonférence. Les facteurs de risques de sténoses sont liés à la localisation de la sténose au tiers supérieur, au caractère circonférentiel et à la hauteur de la résection supérieure à 40 mm [28]. Le taux de sténose est ainsi plus important que celui des sténoses anastomotiques post chirurgicales, et les patients nécessitent un grand nombre de séances de dilatation, lesquelles font courir un risque de perforation non négligeable. Dans cette indication, la dilatation au ballon présente un taux de perforation estimé à 1,09 % contre 0,4 % dans les sténoses peptiques et anastomotiques [31]. Le risque est directement lié au nombre de dilatations déjà réalisé et aux localisations sur le bas œsophage, plus fragile. Qui plus est, les dilatations répétées sont suspectées d’entretenir la cicatrisation fibreuse. La technique d’incision radiaire n’est pas à recommander dans cette indication devant la difficulté que peut représenter le geste et de par le manque d’éléments concernant la sécurité du geste. Les prothèses métalliques et biodégradables ont fait l’objet de quelques publications mais le résultat reste modeste.

Ainsi, il apparaît essentiel que ces ­sténoses puissent être prévenues dès la réalisation de la dissection sous muqueuse. La réalisation de dilatations précoces et répétées immédiatement après le geste n’apparaît pas satisfaisante. L’injection précoce et répétée de triamcinolone a montré une diminution significative du taux de sténose dans certaines études, mais des cas de perforations et d’abcès ont été rapportés, suggérant que l’injection d’anti inflammatoire dans la cicatrice de résection en phase précoce pouvait avoir des effets contraires et dangereux. La corticothérapie orale offre des résultats intéressants. Elle est administrée 2 jours après le geste (0,5 mg/kg/j) avec un schéma classique de décroissance sur 2 mois. Yamaguchi et al. et ont montré dans une étude controlée, une diminution significative du taux de sténoses (7,3 vs 31,8 %, p < 0,0001) et du nombre de dilatation [32]. Cependant les effets secondaires de la corticothérapie systémique peuvent poser problème et son utilisation ne fait pas l’objet de recommandations. Plusieurs perspectives thérapeutiques sont en cours d’évaluation. Certaines sont basée sur la transplantation de cellules souches adipocytaires [33] ou de cellules de muqueuse buccale [34], imprégnées dans une membrane ­cellulaire directement déposée sur le site de la résection, ou sur l’utilisation d’agents anti fibrosants et cicatrisants comme des colles de fibrine, d’acide polyglycolique, mais aussi de prothèses biodégradables chargées de matrice extracellulaire ou de nano particules anti fibrosantes.

Lorsque l’ensemble des méthodes employées ne permet pas d’empêcher la récidive des sténoses réfractaires, la chirurgie peut se discuter, avec la possibilité selon les cas de réaliser une anastomose œsogastrique, ou un transplant colique ou jéjunal. Il n’y a pas de données permettant de connaître les résultats spécifiques de la chirurgie dans cette indication, mais le taux élevé de sténose après chirurgie de rattrapage (42 % dans l’étude de van Heijl et al. [35]) fait considérer cette stratégie comme inférieure en terme de bénéfice-risque par rapport à la poursuite des procédures de dilatations ou la pose de prothèses. Enfin, à l’image des sténoses colorectales basses, certaines équipes proposent un apprentissage de l’auto-bouginage qui peut à défaut permettre aux patients de conserver un diamètre suffisant de leur sténose, mais un encadrement strict doit être assuré [36].

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Les Cinq points forts

  1. Les causes habituelles de sténoses bénignes sont les sténoses peptiques, anastomotiques, radiques et caustiques. Il faut y associer maintenant les sténoses secondaires aux résections par dissection sous muqueuse.
  2. La première étape de traitement est une dilatation à la bougie ou au ballon dilatateur. L’échec de ce premier traitement constitue la base de la définition des sténoses réfractaires.
  3. Le traitement des sténoses réfractaires est souvent difficile et repose sur les injections de corticoïdes dans la sténose, les prothèses et dans certains cas à la technique d’incision radiaire. La chirurgie doit rester le dernier recours.
  4. L’utilisation de prothèses, qui doivent toujours être extirpables, n’est pas recommandée en première intention. Leur efficacité est limitée en particulier en raison d’un taux de migration proche de 30 % quel que soit le type de prothèse.
  5. Les sténoses anastomotiques et anneaux de Schatzki sont une bonne indication de traitement par incision radiaire.