Les ampullomes : traitement endoscopique

Objectifs pédagogiques

  • Définition anatomopathologique
  • Présentations cliniques et endoscopiques
  • Indications, technique et résultats de la résection endoscopique
  • Suivi après traitement endoscopique

Introduction

La prévalence des adénomes et des adénocarcinomes de l’ampoule de Vater varie entre 0,1 et 0,6 % dans les séries autopsiques [1]. La séquence adénome-adénocarcinome est actuellement acceptée comme au niveau colique. Néanmoins, cette séquence est variable en fonction du tissu d’origine. L’ampoule de Vater est en effet un carrefour entre trois types de structures histologiques différentes dont peuvent naître les tumeurs. Ceci explique un pronostic qui est meilleur que celui des adénocarcinomes pancréatiques (40 % de survie à 5 ans) mais qui reste parfois aussi péjoratif. Le traitement endoscopique à visée curative a fait ce jour preuve de son efficacité sur des tumeurs non invasives, soigneusement sélectionnées. En cas de tumeur invasive, la duodéno-pancréatectomie céphalique (DPC) reste nécessaire. Cette mise au point a pour objectif de préciser les éléments qui vont permettre d’établir le diagnostic d’ampullome, de sélectionner les tumeurs susceptibles de bénéficier d’un traitement endoscopique à visée curative et d’en rappeler les modalités.

Diagnostic d’adénome ampullaire

La région ampullaire s’avère complexe. Anatomiquement, la présence de plusieurs tissus et organes se rejoignant rend l’approche diagnostique délicate (Fig. 1). L’histologie ne définit pas à elle seule une lésion ampullaire. En effet, le tissu ampullaire n’est pas hautement spécifique. Dans ces conditions, c’est essentiellement l’endoscopie qui posera le diagnostic de localisation ampullaire, l’histologie affirmant la tumeur et orientant vers le tissu d’origine (duodénal, ampullaire, pancréatique ou biliaire). Le diagnostic repose finalement sur l’association d’une histoire clinique, d’un aspect endoscopique et de résultats anatomopathologiques. Pris individuellement, chacun de ces éléments peut être pris en défaut.

Anatomie de l’ampoule

Figure 1. Anatomie de l’ampoule
Sm : sous-muqueuse dudénale (bleu clair)
Oddi : sphincter d’Oddi (rose)
MP : musculaire propre du duodénum (rouge brique)
Chol : cholédoque
Wirs : canal de Wirsung

Présentation clinique

Il existe trois principaux modes de découverte.

  • Les patients symptomatiques représentent généralement la principale cohorte des séries chirurgicales [2]. Les principaux symptômes sont l’angiocholite, l’ictère, un épisode de pancréatite aiguë, une hémorragie digestive ou des douleurs abdominales. Le diagnostic peut également être porté devant de simples anomalies biologiques du bilan hépatique ou la découverte d’une dilatation du cholédoque ou du wirsung par imagerie. En cas de symptômes, les lésions sont plus souvent néoplasiques et avancées que pour les autres modes de découvertes.
  • La deuxième situation est le dépistage d’un ampullome dans un contexte de Polypose Adénomateuse Familiale (PAF). Le risque d’ampullome est alors multiplié par 200 [3]. On sait aujourd’hui que l’histoire naturelle de ces tumeurs est particulière avec une possibilité de lésion en néoplasie intra-épithéliale de bas grade (NBG) non évolutive sur des suivis de plus de 10 ans. Il existe par ailleurs une association fréquente avec les polypes duodénaux. Le profil évolutif de ces derniers peut être beaucoup plus agressif et passer au premier plan [4]. En l’absence de risque duodénal, on réalisera un traitement endoscopique en cas de néoplasie intra-épithéliale de haut grade (NHG) aux biopsies et/ou devant un aspect d’ampoule tumorale d’une taille ≥ 1cm en endoscopie.
  • Le troisième mode de révélation est en augmentation : la découverte fortuite au décours d’une endoscopie haute représente actuellement plus de 30 % des cas adressés pour ampullectomie endoscopique [5]. Ce mode de découverte est en augmentation, probablement grâce à un examen plus systématique de l’ampoule en gastroscopie avec des endoscopes plus performants. C’est la situation la plus à risque de faux positif d’ampullome aux biopsies (cf. infra).

Aspect endoscopique (Fig. 2)

Si l’utilisation d’un gastroscope permet de suspecter un ampullome, il convient d’utiliser un duodénoscope pour visualiser de manière satisfaisante l’ampoule. Le diagnostic endoscopique n’est cependant pas toujours facile car une ampoule normale peut être hypertrophiée avec une papille pseudovilleuse. En fonction du mode de développement, trois formes peuvent être présentes [6] :

  • dans les formes à développement extra-ampullaire (25 % des cas), l’aspect est évocateur, végétant, comparable à l’aspect des polypes duo­dénaux. La migration récente d’un calcul peut donner un aspect pseudo­tumoral limité à l’ampoule. L’extension duodénale rend parfois difficile la différentiation entre un adénome ampullaire étendu au duodénum et un large adénome duodénal recouvrant l’ampoule. Les deux situations sont généralement groupées dans les séries d’ampullectomie, le geste technique étant identique (cf. infra) ;
  • les formes de développement uniquement endoampullaire (16 % des cas) et se présentent comme une ampoule bombante à muqueuse normale. Les biopsies seront alors faussement négatives. Cet aspect peut aussi correspondre à une impaction calculeuse, voire à une ampoule normale ;
  • les formes mixtes représentent 59 % des cas.

Pour compliquer les choses, une lithiase cholédocienne peut être associée à un ampullome dans 6 à 38 % des cas [7].

Formes endoscopiques d’ampullome

Figure 2. Formes endoscopiques d’ampullome
A. Forme avec ulcère du capuchon = adénocarcinome avancé
B. Forme végétante
C. Forme endoampullaire

Résultats anatomopathologiques

Biopsie à la pince [7-9]

Le diagnostic histologique peut également être difficile à poser. Les biopsies devront être réalisées ou contrôlées avec un duodénoscope. Les critères histologiques utilisés pour identifier et grader les lésions adénomateuses de l’ampoule sont les mêmes que pour les lésions adénomateuses développées dans le reste du tube digestif. Le diagnostic repose sur: (a) des critères architecturaux : existence d’une prolifération en relief, d’architecture tubulaire ou tubulo-papillaire, (b) des critères cytologiques : présence d’atypies cytonucléaires dont la sévérité permet de grader les lésions. Les résultats les plus fréquemment obtenus sont : carcinome invasif, NHG ou NBG. La distinction entre NBG et simple foyer inflammatoire régénératif peut être difficile. D’un point de vue histologique, il faut insister sur l’importance des remaniements architecturaux pour conclure formellement au diagnostic d’adénome. Les atypies cytologiques sont en effet parfois marquées, y compris dans des lésions purement inflammatoires ou régénératives. D’une façon plus générale, les données de l’étude histologique doivent être interprétées à la lumière du contexte endoscopique et clinique, qui peut s’avérer déterminant pour décider de la prise en charge. Chez un patient présentant un syndrome clinico-biologique d’obstacle ampullaire, la présence d’aspects cytologiques de NBG, associés à des anomalies architecturales, est suffisante pour conclure à une tumeur ampullaire et pour envisager un traitement complémentaire. Il est nécessaire d’être ­beaucoup plus prudent chez un patient asymptomatique où la notion de tumeur ampullaire est portée sur une ampoule hypertrophiée en gastroscopie avec des biopsies concluant à une NBG. Avant d’envisager un traitement, un contrôle d’endoscopie avec un duodénoscope est indispensable, associé à de nouvelles biopsies si l’aspect tumoral n’est pas formel. Une double lecture anatomopathologique peut également se discuter avant de conclure à un adénome. La sensibilité des biopsies est faible : les faux négatifs de cancer sont retrouvés dans 19 à 40 % des cas et les faux négatifs de tumeurs dans 5 à 38 % des cas, en particulier dans les formes de développement exclusivement endoampullaires. Dans ces formes, la sphinctérotomie peut se discuter pour augmenter la sensibilité des biopsies mais elle doit être bien pesée car elle peut perturber le staging ultérieur, rendre difficile une ampullectomie en un seul fragment et compliquer l’analyse histologique finale. Du fait des faux négatifs pouvant être induits par la coagulation ou par des biopsies encore trop superficielles, un contrôle est à conseiller 2 à 4 semaines après la sphinctérotomie si l’histologie initiale est négative.

Biopsie échoguidée sous EE

Cette technique a été décrite dans une série rétrospective de 35 patients [10]. Trois passages intralésionnels étaient recommandés avec une efficacité diagnostique de 88 %, une sensibilité de 82,4 %, et une spécificité de 100 %. L’utilité de cette approche peut se discuter dans des formes avancées de développement endoampullaires et à extension intrapancréatique. Elle n’a pas sa place dans les lésions susceptibles d’être traitées par ampullectomie endoscopique.

Autres imageries

L’échoendoscopie (EE) a une faible spécificité pour le diagnostic : les seuls signes spécifiques en faveur d’un ampullome en EE sont les signes de tumeur invasive ou l’envahissement intracanalaire du wirsung ou du cholédoque [11]. Les autres critères tels que l’élargissement de l’ampoule, la dilatation du wirsung ou du cholédoque sont non spécifiques et peuvent être vus lors d’une oddite scléreuse ou même devant une ampoule normale. L’EE ne peut par ailleurs en aucun cas suffire à exclure un ampullome. Un bilan à la recherche d’un obstacle ampullaire devra toujours comporter une vue endoscopique de l’ampoule. Quand celle-ci est mal visualisée avec la vision latérale de l’échoendoscope, un duodénoscope devra être utilisé. L’IRM et le scanner ont une sensibilité diagnostique inférieure à l’EE [12].

Au total, le diagnostic d’ampullome repose sur l’association d’une histoire clinique, d’un examen endoscopique et sur les résultats des biopsies. Deux situations restent cependant difficiles :

  1. Devant un obstacle ampullaire probable (tableau clinique, biologique et échographique évocateur) mais avec un aspect endoscopique discutable et des anomalies échoendoscopiques non spécifiques, l’hypothèse d’une tumeur ampullaire est à évoquer en priorité en l’absence de calcul cholédocien. Une courte sphinctérotomie pour permettre des biopsies endoampullaires est recommandée dans un premier temps (avec pose de prothèse si la vidange biliaire est insuffisante). Si les biopsies sont positives, un traitement endoscopique pourra être réalisé au mieux dans un deuxième temps. Si les biopsies sont négatives, un contrôle précoce à 15 jours sera nécessaire avec large sphinctérotomie et nouvelles biopsies. Si elles sont à nouveau négatives et que le tableau est peu évocateur d’oddite, un dernier contrôle couplant EE et duodénoscopie avec biopsies sera souhaitable plus à distance. En cas de calcul cholédocien présent avec une ampoule douteuse, une sphictérotomie large pour extraire le calcul sera effectuée et des biopsies à distance (2 à 4 semaines) seront nécessaires afin de différencier une oddite scléreuse d’un ampullome. Dans cette dernière situation, l’ampullectomie se fera ultérieurement en deux fragments (cf. infra).
  2. En cas de découverte fortuite, chez un patient asymptomatique, d’une ampoule hypertrophiée avec une première série de biopsies retrouvant de la NBG et une EE normale. De nouvelles biopsies devront être pratiquées avec un duodénoscope et analysées par un anatomopathologiste entraîné avant d’envisager un traitement. Si la nouvelle série de biopsies est négative, l’ensemble du bilan sera recontrôlé à 6 mois.

Bilan d’extension (Fig. 3)

Évaluer précisément le degré d’envahissement tumoral reste l’étape indispensable avant le choix thérapeutique (chirurgical ou endoscopique). Deux éléments sont déterminants pour le choix du traitement : l’envahissement pariétal et l’envahissement endocanalaire. En Occident, la classification TNM utilisée est peu précise [13]. Pour le staging pariétal, les tumeurs limitées à l’ampoule sont classées T1. Elles incluent des lésions ayant de simples foyers d’adénocarcinome intra-épithélial à des lésions présentant une extension dans la sous-muqueuse duo­dénale. Les lésions T2 infiltrent la musculeuse duodénale. La classification japonaise est plus détaillée [14] : les lésions T1 sont réparties en lésions d0 qui respectent la sous-muqueuse duodénale (dégénérescence limitée au sphincter d’Oddi) et en lésion d1 qui l’infiltrent. Les lésions d2 sont superposables au T2. L’existence d’embols vasculaires est également notée. La différence est fondamentale : dans les séries de la littérature utilisant la classification TNM, le risque ganglionnaire en cas de lésion T1 va de 0 à 20 %. Dans la classification japonaise, les tumeurs d0 sans embols vasculaires sont toujours N-, et la survie des patients à 5 ans est de 100 %. Les tumeurs d1 (et/ou avec embols) présentent 30 % d’adénopathies métastatiques [15] et la survie des patients à 5 ans est de 65 %. Pour les Japonais, les lésions d0 sans embols vasculaires peuvent donc être considérées comme des « early cancer », sans risque ganglionnaire [14], susceptibles de bénéficier d’un traitement endoscopique à visée curative.

L’envahissement intracanalaire sera apprécié au niveau du cholédoque et du Wirsung, en sachant que le taux de résection endoscopique à visée curative est inférieur à 50 % en présence de cet envahissement [16]. Un traitement endocanalaire complémentaire par radiofréquence sur les bourgeons encholédociens est en cours d’évaluation chez des patients non opérables. En attendant plus de résultats, une ampullectomie endoscopique à visée curative ne sera envisagée qu’en l’absence d’envahissement endocanalaire (limite technique) et en l’absence de risque d’envahissement ganglionnaire (limite carcinologique). Plusieurs examens sont à notre disposition pour réaliser ce staging.

Différence entre la classification TNM et la classification japonaise

Figure 3. Différence entre la classification TNM et la classification japonaise
T1 (rond vert) : tumeur limitée par l’ampoule
d0 : tumeur limitée au sphincter d’Oddi
d1 : tumeur envahissant la sous-muqueuse duodénale
d2 = T2 : tumeur envahissant la MP
sm : sous-muqueuse duodénale
MP : musculaire propre du duodénum

Endoscopie

Le caractère ulcéré est un signe prédictif de dégénérescence. Quand l’ulcération siège sur le capuchon muqueux de l’ampoule, à distance de la papille (Fig. 2), la tumeur aura alors nécessairement traversé la sous-muqueuse duodénale, ce qui contre-indique un traitement endoscopique [17] à visée curative. Les biopsies réalisées dans l’ulcération seront alors positives en adénocarcinome. Si le caractère ulcéré est limité à la papille, le carcinome peut n’être qu’intramuqueux et un bilan d’évaluation complémentaire sera nécessaire.

EE [18-21]

Elle permet de visualiser la musculeuse duodénale et d’examiner les ganglions péripancréatiques. Un staging pariétal et ganglionnaire (uTN) comparable à celui de la classification TNM peut ainsi être effectué avec des performances satisfaisantes, de 71 à 91 % pour le staging pariétal, atteignant 90 % pour sélectionner les tumeurs uT1 versus > uT1 et de 53 à 87 % pour le staging ganglionnaire. La valeur prédictive négative de l’atteinte ganglionnaire est cependant très insuffisante pour considérer qu’une tumeur uT1N0 en EE n’a pas de risque ganglionnaire. Le sphincter d’Oddi n’est par ailleurs pas visualisé et une extension tumorale à la sous-muqueuse duodénale ne peut pas être exclue. L’EE permet également de visualiser des bourgeons tumoraux remontant dans le cholédoque ou le Wirsung avec une précision de 82 à 90 %. L’examen devra préférentiellement être réalisé avant tout geste thérapeutique. La sphinctérotomie ou la pose de prothèse diminue les performances sur le staging pariétal.

L’EE est donc indispensable pour diagnostiquer des lésions > T1 et/ou avec une infiltration endocanalaire qui seront inaccessibles à un traitement endoscopique curatif et qui devront alors faire discuter d’un traitement chirurgical. En présence d’une tumeur uT1 en EE sans envahissement endocanalaire, deux attitudes peuvent se discuter : une ampullectomie endoscopique d’emblée ou une minisonde d’endoscopie préalable au geste d’exérèse.

Minisonde d’endosonographie biliaire [21-23]

Elle est montée sur fil guide dans le cholédoque ou éventuellement dans le Wirsung lors de la CPRE. La réalisation d’une sphinctérotomie n’est pas nécessaire. La fréquence utilisée de 20 Mhz permet l’individualisation de la sous-muqueuse duodénale et parfois du sphincter d’Oddi. La sensibilité et la spécificité sont meilleures que celle de l’EE sur le staging des petites tumeurs. L’efficacité pour différencier les tumeurs d0 (sans envahissement de la sous-muqueuse duodénale) des tumeurs d1 est retrouvée entre 85 et 95 % des cas suivant les séries. La présence d’une prothèse et/ou la sphinctérotomie ­préalable diminuent de manière significative l’efficacité diagnostique.

L’intérêt de la minisonde existe surtout en cas de lésion avec adénocarcinome aux biopsies ou si le mode de découverte a été l’existence de symptômes en particulier d’obstruction biliaire. En l’absence de ces deux éléments, l’hypothèse d’un adénocarcinome avec extension à la sous-muqueuse est quasiment nulle (expérience personnelle) et une ampullectomie sans minisonde préalable est parfaitement envisageable.

Autres examens

C’est uniquement pour la détection de métastases à distance (scanner, TEP…) qu’ils seront utiles [12].

Traitement

La première série de tumeurs ampullaires traitées endoscopiquement a été décrite en 1987 par Van Stolk [26]. Il avait alors testé toutes les méthodes disponibles : résection à l’anse diathermique, électrocoagulation à la pointe et destruction thermique par sonde BICAP, sonde chaude ou laser YAG. Depuis plus de 15 ans, l’ampullectomie endoscopique par anse diathermique est devenue le geste de référence car c’est le seul qui permet une analyse histologique complète. Les contre-indications à un geste à visée curative sont l’envahissement de la sous-muqueuse duodénale, une extension dans le cholédoque ou le canal de Wirsung et les problèmes de coagulation non contrôlables. Si la résection de la tumeur s’apparente à l’éxèrèse d’un volumineux polype sessile, la prévention des complications potentielles rend le geste complexe. Plusieurs techniques différentes peuvent être utilisées à chaque étape, ce qui rend les comparaisons entre séries compliquées. En fonction de la présentation endoscopique, certaines procédures seront également plus adaptées que d’autres. Au total, les standards du geste sont difficiles à affirmer et varient suivant les équipes [5, 16, 25, 26]. Un certain nombre de grandes lignes se dégagent cependant.

  1. L’injection sous-muqueuse, préalable à l’exérèse, n’est pas systématiquement recommandée car elle peut gêner la résection profonde de l’ampoule ; elle sera réservée aux extensions muqueuses para-ampullaires duodénales.
  2. La résection est pratiquée à l’aide d’une anse à polypectomie. Les anses utilisées varient : de la classique anse tressée aux anses spécialement conçues pour l’ampullectomie. Leur positionnement est habituellement céphalocaudal. Il n’existe pas de consensus sur l’intensité, ni sur le type de courant à utiliser : section pure ou endocoupe sont privilégiées. La résection en monobloc est nécessaire pour un examen anatomopathologique « idéal ». Sur les très volumineuses tumeurs, une résection en « piece-meal » sera incontournable. Sur les lésions très étendues en surface, plusieurs sessions peuvent être utiles pour obtenir une résection complète. Dans ces cas, on réséquera en monobloc l’ampoule avant de réséquer par mucosectomie classique l’extension duodénale satellite. En cas de large sphinctérotomie effectuée au préalable, il ne sera pas possible de réséquer la lésion en monobloc. On pourra en revanche le plus souvent la réséquer en deux fragments (antérieur et postérieur).
  3. Une sphinctérotomie biliaire complémentaire n’est pas systématique. Elle est recommandée d’emblée en présence d’un doute sur l’envahissement endocanalaire ou en présence d’une cholestase. Elle pourra être réalisée au cours du contrôle précoce si la pièce d’exérèse n’a pas emporté l’ensemble de la lésion avec des marges saines. Elle permettra alors de mieux exposer le bas cholédoque pour faciliter le traitement complémentaire et la surveillance.
  4. Après résection, la pose d’une prothèse pancréatique pour prévenir le risque de pancréatite postCPRE est un standard établi et recommandé même si certaines séries de la littérature ont pu être contradictoires. Les échecs sont rares dans des mains entraînées. La présence d’un pancréas divisum rend la pose de prothèse inutile. Un calibre de prothèse de 4 à 5 french est suffisant et ­permet une élimination spontanée dans plus de 50 % des cas. Le repérage du Wirsung se fera le plus souvent au moyen de l’extrémité d’un guide hydrophile. L’injection de colorant dans le Wirsung avant la résection a été proposée pour mieux repérer l’orifice secondairement.
  5. Quand la résection est endoscopiquement complète et que la prothèse pancréatique a pu être positionnée, la fermeture de la brèche muqueuse duodénale par des clips est utile pour limiter les risques de saignements secondaires. L’évolution des clips ces dernières années a rendu le geste possible de manière quasi constante avec un duodénoscope. En cas de saignement, l’hémostase est le plus souvent obtenue en utilisant ou combinant injection d’adrénaline au 1/10 000e, pose de clip, pince coagulante.
  6. Outre les résections muqueuses complémentaires par mucosectomie duodénale ou par complément d’ampullectomie, la destruction de résidus adénomateux pourra se discuter dans un deuxième temps. Un traitement par plasma argon pourra être réalisé pour finir de détruire de petits bourgeons périampullaires. En cas de persistance de lésion sur la zone d’ampullectomie ou la terminaison des canaux, l’utilisation devra être bien pesée en alternative avec une chirurgie d’exérèse complémentaire. On réservera le traitement à des lésions résiduelles de NBG et/ou à des patients porteurs de PAF ou contre-indiqués pour la chirurgie. La pose préalable d’une prothèse pancréatique de couverture sera indispensable. Pour les bourgeons endocanalaires dans le cholédoque, une destruction par radiofréquence pourrait s’avérer efficace. Un protocole d’évaluation est en cours par la SFED.

Complications [5, 16, 25-28]

L’ampullectomie endoscopique est un geste à haut risque même si la comparaison avec la duodénopancréatectomie céphalique est bien sûr favorable. Sur les séries monocentriques rétrospectives, la morbidité moyenne était de 21 % des cas avec un risque de 13 % pour la pancréatite aiguë, 6 % pour l’hémorragie digestive, 2 % pour la perforation et 1 % pour la sténose biliaire. La mortalité était nulle. Dans la série multicentrique prospective française, la mortalité était de 0,9 % (pancréatite aiguë sévère) et la morbidité de 35 %. La complication principale était la pancréatite aiguë (20 % des procédures, essentiellement chez des patients sans pose de prothèse prophylactique), suivi du saignement observé dans 10 % des procédures. Une perforation était notée dans 3,6 % des cas (traitement médical) et des complications biliaires dans 7 % des cas (angiocholite et cholécystite). Malgré ce taux élevé de complications, la durée moyenne d’hospitalisation n’était que de 3,9 jours (1-23, médiane 2 jours). Les mesures prophylactiques appliquées actuellement (AINS précathétérisme, prothèse pancréatique systématique, fermeture par clips des brèches sous-muqueuse duodénales) réduisent la morbidité. Ce geste reste néanmoins risqué. Une information préalable détaillée et spécifique sera à délivrer au patient. Un nombre significatif de patient à traiter par an sera par ailleurs souhaitable pour acquérir une expérience suffisante.

Résultats [5, 16, 25-28]

Une douzaine de séries essentiellement monocentriques et rétrospectives et une série multicentrique prospective ont été publiées depuis 20 ans. Suivant les séries, le bilan préthérapeutique, les conditions d’inclusion ainsi que la technique étaient hétérogènes. Les durées médianes de suivi varient de 9 à 61 mois. Le succès peut être défini comme l’exérèse complète d’une lésion sans risque ganglionnaire (pas d’atteinte de la sous-muqueuse duodénale ni d’embols vasculaires en cas d’adéno­carcinome) associé à l’absence de récidive au décours du suivi. Il varie suivant les séries entre 72 et 90 %. Le succès semble meilleur pour les tumeurs sporadiques (86 versus 68 %). Le taux de récidive varie entre 6 et 33 %. Bonhacker retrouve un taux de récidive de 12 % versus 37 % respectivement en l’absence et en présence d’envahissement intracanalaire. Dans ce dernier cas, la résection était curative dans moins de 50 % des cas contre 83 % en l’absence d’envahissement intracanalaire. Le recours à la chirurgie varie entre 0 et 15 %.

Surveillance [17, 29-31]

Un bilan complémentaire avec coloscopie devra être réalisé à la phase initiale de l’ampullectomie compte tenu de l’association adénome ampullaire, polype colique. Les recommandations pour la surveillance postampullectomie reposent sur des avis d’expert. On pourra proposer un contrôle ampullaire à 6 mois puis semestriel pendant 2 ans par examen clinico-biologique, duodénoscopie et biopsies. Une EE complémentaire ± une opacification canalaire sont conseillées afin de dépister précocement une récidive en profondeur ou endocanalaire. Le suivi pourra être ensuite annuel pendant 3 ans. La surveillance devra être poursuivie ultérieurement car l’ampullectomie ne résèque pas l’ensemble de la structure ampullaire et que des récidives tardives ont été décrites même en dehors d’un contexte de PAF. Un contrôle ultérieur tous les 3 ans paraît raisonnable en cas d’adénome sporadique. Pour les patients porteurs de PAF, une surveillance tous les 2 ans au minimum est conseillée, à moduler en fonction du score de Spiegelman.

Conclusion

Les modes de révélation de l’ampullome ont évolué. La découverte lors d’une gastroscopie d’une ampoule suspecte n’est plus exceptionnelle. Cela devra conduire à la réalisation d’une duodénoscopie avec une deuxième série de biopsies si la lésion est en NBG. Si un traitement endoscopique à visée curative est envisagé, un staging par EE doit être systématique. Le bilan sera idéalement complété par un examen à la minisonde si la lésion est dégénérée. Les risques du geste sont élevés (morbidité > 20 %, mortalité non nulle) mais restent largement en-deçà du risque chirurgical. L’ampullectomie endoscopique est curative dans 80 % des tumeurs uT1 en EE sans envahissement endocanalaire. Elle est devenue le traitement de référence des ampullomes bénins et des adénocarcinomes non invasifs.

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Les Cinq points forts

  1. En cas de découverte fortuite d’un adénome ampullaire en néoplasie intra-épithéliale de bas grade, une deuxième série de biopsies en duodénoscopie est nécessaire.
  2. Une échoendoscopie est indispensable pour envisager un traitement endoscopique à visée curative.
  3. L’ampullectomie endoscopique est devenue le traitement de première intention des adénomes et adénocarcinomes superficiels, sans envahissement endocanalaire, de l’ampoule de Vater.
  4. L’ampullectomie endoscopique est curative dans 80 % des cas.
  5. L’ampullectomie endoscopique est à haut risque de complications avec une mortalité estimée à 1 %.