Hépatite C

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les nouvelles molécules de traitement de l’hépatite C avec ou sans interféron
  • Connaître les indications des nouveaux traitements en 2015 et leur coût
  • Connaître les effets indésirables et les précautions d’emploi des nouveaux antiviraux

Le traitement de l’hépatite chronique virale C connaît une véritable révolution. Pendant 15 ans, nous ne disposions que de l’association interféron pégylé et ribavirine (bithérapie pégylée). Il s’agissait d’un traitement long, grevé d’effets secondaires notables et d’une efficacité de moins de 50 %. Deux inhibiteurs de protéase (télaprévir et bocéprévir) ont été commercialisés en 2011. L’ajout de l’une ou de l’autre molécule à une bithérapie pégylée offrait, chez les malades de génotype 1, une efficacité supplémentaire au prix ­d’effets secondaires importants (rashs cutanés parfois très sévères, asthénie et anémie, parfois majeure). Le télaprévir et le bocéprévir ne sont plus prescrits en raison de la disponibilité de nouvelles molécules mieux tolérées, plus efficaces et avec moins d’inter­actions médicamenteuses.

En France, plusieurs antiviraux d’action directe (AVD), classés selon leur impact sur le cycle de réplication du virus, ont obtenu une autorisation de mise sur le marché au cours de l’année 2014 : le sofosbuvir inhibiteur de la polymérase NS5B, le siméprévir inhibiteur de deuxième vague de la protéase NS3/4A et le daclatasvir inhibiteur du complexe de réplication NS5A du virus. Le sofosbuvir et le daclatasvir sont actifs sur tous les génotypes du virus alors que le siméprévir est surtout actif sur les génotypes 1 et 4. Ces nouvelles molécules, administrées à raison d’un comprimé par jour en association à une bithérapie pégylée, permettent l’obtention d’une réponse virologique soutenue (RVS) de 80 à 90 % chez des malades naïfs. La durée de cette trithérapie a pu être réduite à 12 semaines pour l’association sofosbuvir + interféron pégylé et ribavirine [1]. Dans la vraie vie, les résultats de l’association sofosbuvir + interféron et ribavirine ont été moins bons chez les malades de génotype 1 déjà traités [2]. La survenue d’une rechute dans près de 30 % des cas et les problèmes de tolérance liés à l’interféron devraient conduire à la fin de l’utilisation de l’interféron dans l’hépatite virale C [2].

Trois types d’associations orales sans interféron ont été utilisées pendant l’année 2014

L’association sofosbuvir + ribavirine s’est révélée décevante chez les malades de génotypes 1 et 3. Elle garde comme seule indication les malades de génotype 2, avec une durée de traitement de 12 semaines. Le sofosbuvir a été associé au siméprévir pendant 12 semaines et au daclatasvir pendant 24 semaines, avec ou sans ribavirine. Ces deux associations se sont révélées très efficaces sur de petites séries de malades naïfs ou en échec [3, 4]. Chez les malades de génotype 3, l’association sofosbuvir + daclatasvir administrée 12 semaines a fourni de très bons résultats, sauf chez les malades cirrhotiques [5]. Ces nouvelles molécules ont peu ou pas d’effets secondaires. L’association sofosbuvir + siméprévir a entraîné une réponse soutenue chez 79 % des patients de génotype 1, avec une tolérance correcte, dans l’une des premières cohortes de vraie vie (TRIO) de malades de génotype 1 aux États-Unis [2]

Quatre AVD (sofosbuvir, siméprévir, daclatasvir et sofosbuvir/lédipasvir) ont eu une autorisation de mise sur le marché en France en 2014 après une phase d’ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation). Le seul antiviral dont le prix a été fixé à ce jour est le sofosbuvir (41 000 euros pour 12 semaines de ­traitement). Sa prise en charge par l’assurance maladie a été restreinte par l’arrêté du 18/11/2014 aux malades qui ont une fibrose F2 sévère (définition consensuelle en attente), F3 ou F4, une cryoglobulinémie symptomatique ou un lymphome B, ou une coinfection VIH. L’indication d’un traitement utilisant le sofosbuvir doit être validée, selon la lettre d’instruction du 29/12/2014, par une réunion de concertation pluridisciplinaire tenue en centre expert. Les prix provisoires d’un traitement de 12 semaines sont de 33 000 euros pour le siméprévir, de 35 000 euros pour le daclatasvir et de 48 000 euros pour l’association sofosbuvir + lédipasvir. Ces trois AVD ne doivent pour l’instant être utilisés que dans les indications restreintes de l’ATU à savoir les maladies sévères (F3 ou F4), sans alternatives thérapeutiques, ou les malades en pré- ou post-transplantation.

Plusieurs combinaisons sont ou seront bientôt disponibles

La combinaison sofosbuvir + lédipasvir, qui a obtenu l’AMM en décembre 2014, formulée en un seul comprimé par jour, a été testée dans trois grandes études (ION1, ION2, ION3) chez les malades de génotype 1 et dans des études plus petites sur des profils spécifiques (patients cirrhotiques en échec de traitement par antiprotéases (étude SIRIUS), récidive après transplantation, co-infection VHC + VIH). Cette combinaison est active sur tous les génotypes. Elle a fourni d’excellents résultats, souvent supérieurs à 95 %, avec une durée de traitement de 12 semaines qui paraît suffisante chez la majorité des malades de génotype 1, voire 8 semaines pour les malades jamais traités et non cirrhotiques [6]. Pour les malades cirrhotiques en échec de traitement antérieur, un traitement de 12 semaines est suffisant à condition de rajouter de la ribavirine [7]. Un nouvel inhibiteur de NS5A (GS-5816) en association avec le sofosbuvir a fourni des résultats prometteurs dans la population difficile à traiter des malades de génotype 3 cirrhotiques en échec de traitement antérieur. Dans cette situation, l’association sofosbuvir/lédipasvir n’a permis une réponse virologique soutenue que dans 73 % des cas [8].

La combinaison « 3D » comporte le paritaprévir, antiprotéase de 2e vague boostée par le ritonavir, coformulé en un seul comprimé avec l’ombitasvir (anti-NS5A), et le dasabuvir (anti-NS5B) en deux comprimés par jour. Cette combinaison a été testée dans plusieurs grandes études chez les malades de génotype 1 (SAPHIRE1, SAPHIRE 2, TURQUOISE (patients cirrhotiques), et sur des profils spécifiques : coinfection VIH, post-transplantation). Le « 3D » a fourni des résultats très prometteurs, souvent supérieurs à 95 %, avec une durée de traitement de 12 semaines qui paraît suffisante pour la majorité de ces malades [9]. Pour les patients cirrhotiques, l’ajout de la ribavirine permet d’améliorer le taux de réponse virologique. Une combinaison « 2D » (paritaprévir + ombitasvir) pourrait être une bonne option pour le génotype 4, pendant 12 semaines, avec la ribavirine [10]. Les effets indésirables les plus fréquents de cette combinaison étaient : nausées, démangeaisons et anémie liée à la ribavirine. Ces combinaisons viennent d’obtenir en France une ATU pour les malades de génotype 1 et 4 avec les mêmes indications que les autres AVD (maladies sévères et manifestations extrahépatiques).

La combinaison MK2 en cours d’évaluation, comporte le grazoprévir (inhibiteur de protéase de 2e génération) et l’elbasvir (inhibiteur de NS5A). Ces deux molécules sont pangénotypiques (actives sur tous les génotypes), et s’utilisent en une prise quotidienne. L’étude C-WORTHY a évalué l’efficacité et la tolérance de cette combinaison, avec ou sans ribavirine, chez malades de génotype 1 naïfs ou non répondeurs, cirrhotiques, mono- ou coinfecté. Les résultats préliminaires sont bons. La tolérance semble correcte (fatigue, céphalées et insomnie) [11].

Une dernière combinaison, également en cours d’évaluation, comporte le daclatasvir, l’asunaprévir (antiprotéase) et le béclabuvir (antipolymérase). Cette combinaison a fourni de bons résultats, compris entre 93 à 98 % chez des malades cirrhotiques de génotype 1, à condition de rajouter de la ribavirine [12].

La plupart de ces associations ont fourni des résultats préliminaires remarquables chez les malades atteints d’hépatite C en pré- ou post-transplantation, avec un profil de tolérance correct et peu ou pas d’interactions avec les immunosuppresseurs. Il en est de même chez les malades coinfectés par le VIH. Il n’existe plus aujourd’hui de populations particulières vis-à-vis du traitement de l’hépatite C.

En conclusion, le traitement de référence de l’hépatite chronique virale C est devenu une association de 2 ou 3 antiviraux directs, sans interféron, pendant 12 semaines, avec de la ribavirine chez les malades cirrhotiques. La plupart de ces associations permettent d’espérer une guérison chez 95 % des malades, avec une tolérance correcte. À efficacité et tolérance égales, le choix de l’association se fera selon le profil du malade ou selon son coût. Environ 15 000 malades ont été traités en France pendant l’année 2014. Il s’agissait en majorité de malades sévères (F3 ou F4), ou en situation de pré- ou de post-transplantation. La même priorisation est prévue pour 2015. ll sera ensuite nécessaire d’envisager le traitement des formes moins sévères et en priorité des malades qui ont déjà été traités par bithérapie par le passé sans pouvoir guérir. Les conditions sont maintenant réunies pour aboutir, à terme, à l’éradication de l’infection à VHC. Pour cela, il faudrait améliorer le dépistage et faciliter l’accès aux soins des patients.

Références

  1. Lawitz E, Mangia A, Wyles D, et al. Sofosbuvir for previously untreated chronic hepatitis Infection. N Engl J Med 2013;368:1878-87.
  2. AASLD 2014. The Liver Meeting 2014 Special Issue: The 65th Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology 2014;60, Supplement S1:1-1266, A46.
  3. Sulkowski MS, Gardiner DF, Rodriguez Torres M, Reddy KR, Hassanei T, Jacobson I, et al. Daclatasvir plus sofosbuvir for previously treated of untreated chronic HCV infection. N Engl J Med 2014;370:211-21.
  4. Lawitz E, Sulkowski MS, Ghalib R, Rodriguez-Torres M, Younossi ZM, Corregidor A, et al. Simeprevir plus sofosbuvir, with or without ribavirin, to treat chronic infection with hepatitis C virus genotype 1 in non-responders to pegylated interferon and ribavirin and treatment-naive patients: the COSMOS randomized study. Lancet 2014;384:1756-65.
  5. AASLD 2014. The Liver Meeting 2014 Special Issue: The 65th Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology 2014; 60, Supplement S1:1-1266, LB-3.
  6. EASL 2014. Abstracts of The International Liver Congress™ 2014 – 49th Annual meeting of the European Association for the Study of the Liver J of Hepatol 2014;60, Supplement 1:S1-S598.
  7. AASLD 2014. The Liver Meeting 2014 Special Issue: The 65th Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology 2014;60, Supplement S1:1-1266, A82 et LB-6.
  8. AASLD 2014. The Liver Meeting 2014 Special Issue: The 65th Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology 2014;60, Supplement S1:1-1266, A197 et LB-11.
  9. AASLD 2014. The Liver Meeting 2014 Special Issue: The 65th Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology 2014;60, Supplement S1:1-1266, A81.
  10. AASLD 2014. The Liver Meeting 2014 Special Issue: The 65th Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology 2014;60, Supplement S1:1-1266, A1928.
  11. AASLD 2014. The Liver Meeting 2014 Special Issue: The 65th Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology 2014;60, Supplement S1:1-1266, A196.
  12. AASLD 2014. The Liver Meeting 2014 Special Issue: The 65th Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Diseases. Hepatology 2014;60, Supplement S1:1-1266 LB-2.

Les Cinq points forts

  1. Les traitements de référence de l’hépatite C sont des associations de 2 ou 3 antiviraux directs pendant 12 à 24 semaines. Chez les malades cirrhotiques, ils peuvent être associés à la ribavirine.
  2. L’interféron∞ ne sera plus utilisé dans le traitement de l’hépatite C.
  3. La plupart des associations permet de guérir plus de 90 % des malades, avec une tolérance satisfaisante.
  4. Ces traitements sont efficaces y compris dans des groupes particuliers : co-infection VIH-VHC, pré- et post-transplantation.
  5. Le coût actuel des molécules a conduit à une priorisation des malades les plus sévères.