Douleurs abdominales explorées par échographie au décours de la consultation ou la naissance de l’échoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître la place de l’échographie dans l’exploration d’une douleur aiguë ou non aiguë de l’abdomen
  • Connaître les limites de la technique
  • Connaître les évolutions techniques de l’échographie (appareils ultraportables, échographie sur tablette et smartphone)

Mots-clés : examen « clinique », efficace, et validé

L’échographie en 2017 ? Quoi de neuf ?

Cette technique connaît une évolution rapide, tant technique qu’humaine, qui a bouleversé les pratiques dans les 10 dernières années. L’arrivée massive du scanner, puis de l’I.R.M., a concurrencé l’échographie en tant qu’examen de première intention. L’investissement de nos collègues radiologues dans ces deux techniques d’avenir a ainsi permis d’en faciliter l’accessibilité pour des non radiologues. Parallèlement les appareils d’échographie se sont améliorés, démocratisés et diversifiés. Le développement exponentiel de la puissance des processeurs a permis d’abandonner le traitement d’images par des cartes vidéo spécifiques onéreuses au profit d’un traitement logiciel, avec une division par quatre du prix d’un appareil de bonne qualité. Ce développement du soft permet également une miniaturisation spectaculaire du matériel, devenu portable, avec la possibilité prochaine d’adapter une sonde d’échographie sur un smartphone pour un tarif qui devrait avoisiner les 5 000 €. Parallèlement, le réglage de l’image est aujourd’hui assisté par de nombreux programmes souvent automatiques, pour une qualité d’image optimale (focale, lissé, tirs croisés, doppler énergie). Enfin, la diminution du coût des sondes permet aujourd’hui de s’équiper facilement d’au moins deux sondes, une superficielle et une profonde, particulièrement adaptées à notre spécialité.

Moins disponible chez les radiologues, mais facilement accessible financièrement, une nouvelle échographie, dite « échoscopie » (en analogie au stéthoscope) est née, devenant un outil clinique grâce à des matériels portables, voire ultraportables. Elle se positionne comme une partie de l’examen clinique initial. Son évaluation montre une efficacité indiscutable dans l’optimisation de la précision du diagnostic initial et des gestes thérapeutiques au prix d’une formation limitée.

Ce contexte a conduit de nouvelles spécialités à s’intéresser de près à l’échographie ou à l’échoscopie (urgentistes, anesthésistes, généralistes, rhumatologues, chirurgiens, kinésithérapeutes). La spécialité la mieux structurée aujourd’hui est celle des urgentistes confrontés à l’urgence abdominale, thoracique ou vitale chez les polytraumatisés. L’échographie portable immédiatement disponible au lit du malade y a prouvé son efficacité (point-of-care ultrasound ou POCUS). Deux situations montrent un bénéfice majeur de l’usage de l’échoscopie en urgence : la caractérisation de l’état hémodynamique, et le bilan abdominal. Le Collège Américain de Médecine d’Urgence a recommandé depuis 2001 la formation FAST (Focused Assessment with Sonography inTrauma) en échographie pour tous les étudiants urgentistes.

Qu’en est-il de l’usage en gastroentérologie ?

On estime que 50 % des gastroentérologues en 2001 sont équipés. Jugées comme peu rentables, les machines sont souvent anciennes et ne disposent pas toujours de sondes superficielles indispensables à l’échographie digestive. Pourtant, la consultation d’un HGE est motivée par une symptomatologie clinique dans environ 85 % des cas, et lorsqu’un examen est décidé, seuls 10 % des patients ont une échographie. [1] De plus, 40 % de ces malades viennent pour la première fois et 33 % pour un suivi rapproché. En extrapolant ces données à l’activité en 2017, l’utilisation de « l’échoscopie » pour le diagnostic étiologique des douleurs abdominales, du diagnostic différentiel MICI/TFI ou du suivi évolutif sous traitement des maladies inflammatoires, pourrait être utile chez près d’un patient sur deux. Au prix d’un investissement abordable aujourd’hui rentabilisé dès 8 examens cotés par mois, on ne peut que regretter que la formation en échographie, facilement accessible au travers du DIU d’échographie, ne soit pas intégrée au DES et à la formation continue de tout gastro-entérologue.

Peut-on assimiler les résultats de l’échographie à ceux de l’échoscopie ?

Il n’y a que 3 différences entre les deux examens.

Premièrement la qualité du matériel dit portable. Les grandes marques ont toutes développé des gammes d’appareils portables dans les 5 dernières années, reprenant les solutions techniques des appareils plus volumineux. L’évolution est telle qu’un matériel mobile de bonne qualité donne des images équivalentes à celle d’un échographe de moyenne gamme de la génération précédente. Un essai en 2016, avant commercialisation, d’un appareil à 20 000 € donnait des images de qualité équivalente à celle d’un appareil 3 fois plus cher, vieux seulement de 2 ans ! Liée majoritairement à la puissance des microprocesseurs, on peut imaginer que l’évolution de ces matériels portables suivra celle de nos téléphones, rivalisant puis dépassant la qualité de nos anciens appareils photos numériques. Seule, l’échographie hyperspécialisée nécessitera des appareils de haute gamme (doppler quantitatif, caractérisation tissulaire, contraste, élastographie, 3 D, couplage TDM).

Deuxièmement, la formation. Simplifiée en échoscopie, l’évaluation montre que l’efficacité augmente avec l’expérience et qu’un seuil de 500 examens est considéré comme suffisant dans le bilan de douleurs abdominales pour obtenir une compétence équivalente à celle d’un échographiste expert. On rappelle qu’en France, il existe un excellent DIU d’échographie et techniques ultrasonores (Module Abdomen et Digestif) sur 1 an avec 3 jours d’enseignement théorique et 30 vacations d’échographie générale dans un service validant (réparti sur le territoire) qui permet d’avoir la formation de départ. Il n’y a pas de formation obligatoire en France pour faire des échographies.

Troisièmement, le temps dévolu à l’examen. Centré par l’objectif clinique immédiat, l’échoscopie peut méconnaître une lésion accessible à un examen systématique. Il est difficile de formaliser l’investissement d’un opérateur, mais on peut imaginer qu’avec sa valorisation en actes cotés (on peut l’espérer !), des référentiels qualité pourraient être édités, comme cela a été fait pour les urgentistes. Dans ces conditions, à matériel équivalent, au prix d’une formation suffisante et d’un temps dédié, il n’y a plus de différence effective entre ces deux examens dans cette indication.

Quelle est l’efficacité de l’échoscopie dans la douleur abdominale ?

Sur des douleurs abdominales de moins de 5 jours, la clinique et la biologie ne permettent un diagnostic fiable que dans moins de 50 % des cas. Le bilan à J2 conduit à 35 % de remise en cause du diagnostic avec 19 % de modifications thérapeutiques dont 5 % de chirurgie retardée ! L’échographie est responsable du redressement diagnostique dans plus de la moitié des cas (18 %) et des 2/3 des modifications thérapeutiques  [2]. Le diagnostic échographique est le diagnostic final dans 53 à 83 % des cas, toutes étiologies confondues, mais surtout dans 70 % cas quand le patient est classé urgent  [3]. Le scanner reste supérieur avec 89 % de diagnostic définitif [3].

La critique majeure faite à l’échoscopie est sa rentabilité « opérateur dépendante » avec la crainte d’une erreur ou d’un retard diagnostique lié au manque d’expérience. En fait cette limite est largement compensée par sa disponibilité immédiate et la prise en compte uniquement d’un diagnostic positif. L’examen non contributif donne lieu aux explorations habituelles, scanner essentiellement, dans des délais identiques à celui d’un examen clinique sans échoscopie, et donc sans perte de chance pour le patient. Par ailleurs, plusieurs travaux évoquent un apprentissage rapide de cette technique. Une étude aux urgences montre qu’une formation de 4 semaines en échoscopie permet d’augmenter la pertinence du diagnostic clinique de 8 %  [4]. L’apprentissage par un senior permet une amélioration des diagnostics échographiques de 33 % après 50 échographies, 57 % après 200  [5]. Pour des urgentistes formés, la sensibilité de leurs examens approche celle d’échographistes experts dans ce contexte de douleurs abdominales [6], sans différence significative lorsque l’opérateur a une expérience qui dépasse 500 examens  [7].

Plusieurs études ont comparé la prise en charge : « échographie première » versus « scanner systématique ». L’étude la plus complète, sur plus de 1 000 malades consultant en urgence pour des douleurs abdominales aiguës <5 J, montre que la stratégie « échographie première avec scanner si échographie négative » est le schéma le plus efficace avec le meilleur compromis sensibilité/spécificité. On observe dans ce groupe une baisse d’exposition au scanner de 50 % [6]

Tableau I. Avantages théoriques de l’échoscopie dans le bilan des douleurs abdominales

  • 4 atouts majeurs : la disponibilité immédiate, le guidage de l’examen par l’orientation cliniqueinitiale, l’innocuité, la répétition des examens au cours de l’évolution
  • Trois signes d’urgence faciles : l’épanchement péritonéal, pleural ou péricardique, la souffrance intestinale, la grossesse.Quatre plus difficilesmais accessibles : le pneumopéritoine, la thrombose vasculaire, la pathologie gynécologique pelvienne, l’évaluation hémodynamique
  • Quatre champs diagnostiques faciles : la pathologie biliaire, l’obstruction urinaire, l’anévrysme aortique, la pathologie kystique.
  • Trois champs spécifiques aux gastro-entérologues : Le diagnostic de MICI, la diverticulite, le bilan d’une dyspepsie
  • Trois avantages cliniques : absence de retard diagnostique donc thérapeutique, réduction de 50 % d’exposition au scanner, diminution des coûts et des durées d’hospitalisation

Tableau II. Stratégie diagnostique optimale de la douleur abdominale

Champs diagnostiques principaux

La douleur épigastrique et de l’hypocondre droit

La pathologie biliaire est le domaine privilégié de l’échoscopie, la cholécystite est diagnostiquée avec une sensibilité de 96 % et une spécificité de 99 %  [8]. Il n’y a aucune différence significative entre radiologues experts et « échoscopistes » formés  [7]. La pathologie lithiasique de la VBP est plus difficile avec une sensibilité variable de 50 à 80 % mais une forte spécificité 95 % [9]. Pour mémoire, le scanner reste lui aussi insuffisant autour de 75 %. L’examen de référence reste la Bili-IRM ou l’écho endoscopie.

L’autre pathologie de choix pour l’échoscopie, est la pathologie obstructive urinaire. Dans un travail sur 510 patients, la sensibilité de la détection de l’hydronéphrose +/- lithiase par des médecins formés en deux jours à l’échoscopie est de 82,4 % [10].

Le reste des étiologies accessibles en échographie comprend les abcès hépatiques, les tumeurs hépatiques et pancréatiques, les rares kystes compressifs, les thromboses vasculaires, tout diagnostic facilement redressé par un scanner s’ils sont manqués en échographie.

La pancréatite reste un diagnostic clinico-biologique, mais l’échoscopie peut permettre la suspicion de l’étiologie biliaire et la détection de complications notamment thrombotiques. Le scanner reste l’examen de choix pour le diagnostic de gravité, l’écho-endoscopie et la Bili-IRM pour éliminer l’origine lithiasique ou obstructive non lithiasique. Les douleurs d’origine gastroduodénale sont mal diagnostiquées par l’imagerie en dehors de formes compliquées et relèvent de l’endoscopie.

La douleur de l’hypocondre gauche

Plus difficile en échographie, la douleur de l’hypocondre gauche regroupe des étiologies rénales, spléniques, pancréatiques, et gastro-coliques. L’examen de référence est incontestablement le scanner. La rate et sa taille sont facilement visualisées mais ses modifications sont parfois plus difficiles à apprécier. La queue du pancréas est la zone la plus difficile en échographie et le digestif, bien que bien visible dans l’angle splénique, nécessite un apprentissage en échographie digestive. L’apport essentiel de l’échoscopie est la pathologie rénale (QS), kystique ou tumoral pancréatique et splénique, vasculaire thrombotique, et les signes de souffrances intestinales  [11]. Le catalogue des étiologies est donné dans le tableau III.

Tableau III. Diagnostics différentiels d’une douleur de l’hypocondre gauche

  • RATE : Infarctus (drépanocytose), splénomégalie, rupture, abcès et infection, rupture anévrysme de l’artère splénique, torsion splénique, thrombose veine splénique
  • ESTOMAC : Gastrite, ulcère, volvulus et obstruction gastrique
  • PANCREATITE : Complications d’une pancréatite, pseudo-kyste, coulées.
  • COLON : Spasme, obstruction, iléus, colite (MICI) et ischémique, diverticulite, carcinome
  • JEJUNUM: Obstruction jéjunale et hernie interne, diverticulite jéjunale
  • REIN : Lithiase rénale, pyélonéphrite abcès, hémorragie surrénale
  • HEMITHORAX : Atteinte pulmonaire (pneumonie, embolie, épanchement) ou cardiaque, infarctus, péricardite, hernie diaphragmatique

La douleur hypogastrique et de la fosse iliaque gauche

Motif de consultation extrêmement fréquent, les étiologies sont dominées par la diverticulite, la pathologie urinaire et gynécologique.

La prise en charge de la diverticulite est en pleine mutation avec une place décroissante de la chirurgie au profit d’une attitude médicale conservatrice. Le diagnostic et les critères de gravité sont historiquement basés sur le scanner, efficaces si obtenus dans les 72 heures. Le scanner a donc pris une place prépondérante pour ce diagnostic. L’avantage du scanner est sa meilleure détection des complications, notamment abcédées. Néanmoins, en dehors de signes de perforation ou de signes généraux de gravité, la découverte d’une lésion abcédée ne constitue plus une indication opératoire formelle immédiate. De plus, les travaux épidémiologiques récents plaident pour une majorité de formes sévères, notamment chirurgicales survenant préférentiellement lors de l’épisode initial. Le scanner serait donc surtout utile au début de l’évolution, renforçant l’intérêt de l’échographie première dans le suivi ultérieur de ces patients.

Grâce à l’amélioration des appareils et des sondes superficielles, l’échographie du tube digestif a fait des progrès spectaculaires ces dernières années. L’efficacité de cet examen pour le diagnostic positif de diverticulite en centre expert est aujourd’hui proche de celle de scanner avec des chiffres de sensibilité de 90 % et de spécificité de 92 %. Là encore, la séquence échographie puis scanner, si échographie non concluante, est validée comme efficace (Sensibilité 94 % spécificité 99 % recommandation de niveau A) [12, 13, 14, 15]. En pratique d’urgence, cette attitude a été testée avec une moindre sensibilité pour des échographistes non experts, sensibilité 61 %, mais elle est de nouveau à 94 % quand un scanner est décidé en cas d’échographie non concluante  [7, 9]. Le scanner n’est donc plus systématique mais réservé aux formes symptomatiques sévères ou sur terrain immunodéprimé. En dehors de ce cadre, la séquence d’imagerie recommandée est : échographie puis scanner si échographie non concluante [14]. Dans ce domaine, il est probable que l’expérience du gastro-entérologue soumis à un nombre élevé de cas sera gage d’efficacité comme le suggère ce travail qui n’avait trouvé aucune différence entre les résultats d’un radiologue de plus de 20 ans d’expérience et ceux du gastroentérologue [16].

Reste le problème du diagnostic différentiel avec les colites infectieuses (notamment à Clostridium) et inflammatoires où, là encore, l’expertise clinique du gastroentérologue sera sûrement gage d’efficacité pour redresser le diagnostic. Ce sujet est peu abordé dans la littérature.

La pathologie urinaire obstructive rénale a déjà été traitée et la détection d’un globe vésical et sa différenciation d’une ascite est probablement le diagnostic le plus facile en échographie et ne pose pas de problème particulier

La pathologie pelvienne féminine est plus complexe avec un diagnostic urgent : la grossesse, surtout la grossesse extra-utérine. La découverte d’une grossesse est un apport majeur de l’échoscopie évitant toute iatrogénie radiologique ou médicamenteuse. La visualisation de l’utérus est habituelle chez une femme jeune ayant une vessie pleine. La présence d’un taux sérique de Beta hCG élevé (surtout si > 2000UI) sans sac gestation intra-utérin est hautement indicatrice de GEU (95 % de spécificité) [17]. La détection des anomalies majoritairement isthmiques ou ampullaires relève d’une expertise et souvent d’un examen par voie vaginale. Il faut donc systématiquement demander les Beta hCG à une femme en période d’activité génitale et recourir au moindre doute à un avis spécialisé. Le reste de la pathologie comprend la pathologie kystique, tumorale, les torsions de l’ovaire, les salpingites, l’endométriose, repérés sous forme de masse ou d’épanchement dont la suspicion échographique fera orienter la patiente vers un spécialiste.

La douleur de la fosse iliaque droite

Nouveau champ d’excellence de l’échographie, la qualité des sondes actuelles a nettement majoré l’efficacité des deux diagnostics majeurs que sont l’appendicite et les maladies inflammatoires digestives.

Concernant l’appendicite, la performance est directement liée à l’expertise de l’échographiste avec une sensibilité évaluée de 60 à 96 % et une spécificité de 68 à 98 % [4]. Dans une méta-analyse plus récente on évalue la sensibilité à 83 %, la spécificité à 86 % chez l’adulte, 89 % et 92  % chez l’enfant. Le scanner reste le meilleur examen avec 96 % de sensibilité et de spécificité [18]. L’existence de variation anatomique de l’appendice dans 25 % des cas, notamment retro caecal, et le poids du patient reste deux obstacles majeurs à l’amélioration du diagnostic échographique. Il est donc conseillé de privilégier l’échographie chez les sujets jeunes, sans obésité, et évidemment pendant la grossesse, et de ne pas retarder un scanner en cas d’examen négatif, compte tenu du risque de complications lié à un retard diagnostique.

Le diagnostic des MICI est lui aussi en pleine réévaluation. En fosse iliaque droite, il s’agit essentiellement de maladie de Crohn dont la localisation iléo-colique droite va concerner 2/3 des patients. L’échographie est mise au même niveau que le scanner et l’IRM pour le diagnostic de l’atteinte iléale terminale (Recommandation ECCO 2013). Après une formation en échographie digestive, l’échoscopie avec une sonde superficielle permet un diagnostic de Crohn avec une sensibilité évalué à 89.7 % avec une spécificité de 95.6% [19]. Ce chiffre pourrait être augmenté par l’utilisation d’une préparation au PEG (200 à 500 ml 30 mn avant l’examen). Les performances de l’échographie restent néanmoins insuffisantes pour évaluer l’étendue des lésions de la maladie de Crohn quand on la compare au scanner et à l’IRM [20].

Douleurs abdominales généralisées ou centro-abdominales

Outre l’épanchement péritonéal diffus de diagnostic évident, l’élément essentiel est la visualisation de l’aorte. La taille habituellement admise pour le diagnostic d’anévrysme est de 30 mm de diamètre antéropostérieur. L’échographie offre une sensibilité et une spécificité proches de 100 % et une variabilité intra et inter-opérateur ne dépassant pas 4 mm dans la majorité des cas. Les principaux facteurs de risque de rupture sont dans l’ordre, le diamètre de l’AAA (au-delà de 55 mm, le risque de rupture est supérieur au risque opératoire), une croissance de plus de 6 mm par an, la forme de l’AAA (excentriques > sacciformes > fusiformes), un tabagisme actif, une HTA non ou mal contrôlée, le sexe (H > F) et des antécédents familiaux [21].

L’échoscopie permet également la caractérisation immédiate d’une souffrance intestinale. Insuffisant pour le bilan de syndrome occlusif et sub-occlusif, elle reste un examen d’orientation diagnostique efficace. La fiabilité de l’échoscopie en urgence a été évaluée dans un travail prospectif avec une sensibilité de 97 % et une spécificité de 92 % pour les occlusions du grele [26]. La détection d’un pneumopéritoine est également possible, évaluée dans des équipes expertes, comme proche de celle du scanner.

Les autres étiologies nécessitent un niveau d’expertise, que ce soit la panniculite, la torsion de franges épiploïques, ou les colites ischémiques qui requièrent systématiquement une confirmation par scanner.

Le bilan TFI/MICI

Motif le plus fréquent de consultation, la douleur abdominale avec modification du transit pose toujours le problème de son caractère organique ou non, notamment chez le sujet jeune ne relevant pas systématiquement d’une endoscopie. Le diagnostic d’une forme modérée de MICI est toujours suspecté. Paradoxalement, ce sujet quotidien a donné lieu à peu de littérature radiologique alors que les marqueurs biologiques étaient largement testés dans cette indication (Calprotectine fécale). Une revue récente de la littérature conclut surtout à un manque majeur de données empêchant toute conclusion sur ce sujet [23]. Sans en faire un outil diagnostic validé, la visualisation quasi constante de l’iléon (2/3 Crohn) et du sigmoïde dans sa partie superficielle en dedans de l’épine iliaque (60 % des forme de RCH) fait de l’échoscopie un outil de dépistage indiscutable. La sémiologie digestive est bien connue aujourd’hui et reste accessible rapidement avec la qualité du matériel actuel. Aucune étude n’existe sur ce sujet, cette opinion ne repose donc que sur un avis personnel.

Le bilan d’une dyspepsie

L’échoscopie permet d’éliminer une origine biliaire, pancréatique ou tumorale chez un patient se présentant avec une dyspepsie. Motif de consultation fréquent, cette situation n’a pas fait l’objet d’études.

Intérêt pour la limitation des scanners

La littérature récente évoque un risque cancérigène de l’exposition médicale au rayon x. La dose cumulée toxique, > 50 mSv, correspond à 5 scanners abdominaux pelviens. L’ensemble des travaux sur la séquence échographie première puis scanner si l’échographie n’est pas concluante retrouve une baisse d’exposition au scanner proche de 50 %. La promotion de l’échoscopie est donc d’un intérêt majeur pour atteindre cet objectif sans diminuer l’efficacité diagnostique. Elle représente également un gain économique significatif en termes de nombre d’examens et de durée d’hospitalisation dont l’évaluation ouvrirait la porte à sa valorisation, indispensable à son développement.

Références

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Les Cinq points forts

  1. Les évolutions techniques et économiques permettent aujourd’hui un accès facile à l’échographie avec des appareils mobiles de qualité satisfaisante équipés des 2 sondes utiles.
  2. L’échographie portable devenue « échoscopie » est un examen « clinique » et non paraclinique.
  3. L’échoscopie double l’efficacité diagnostique de l’examen clinique initial devant une douleur abdominale et évite 50 % de recours au scanner.
  4. La formation à l’échoscopie est accessible, avec un seuil de compétence à partir de 500 examens, et devrait se généraliser à tous les praticiens de la spécialité.
  5. Cet outil est médicalement pertinent, coût efficace, et mériterait une valorisation des tutelles pour favoriser son développement.