Cholestase gravidique

Objectifs pédagogiques

  • Comment diagnostiquer une cholestase gravidique
  • Connaître les complications obstétricales
  • Connaître les indications du traitement par Acide Ursodésoxycholique,
  • Connaître l’association avec le LPAC syndrome

Mots-clés : grossesse, cholestase, acide ursodésoxycholique

La cholestase gravidique est la plus fréquente des hépatopathies spécifiques de la grossesse et probablement l’une des moins sévères. Pour autant, elle doit rester un diagnostic d’élimination et il est important de rappeler que sa principale complication, même si elle demeure rare, est la mort fœtale in utero. L’obstétricien gère souvent seul cette maladie du foie transitoire, si bien que l’hépato-gastroentérologue est en pratique assez rarement sollicité. Quand toutefois c’est le cas, celui-ci doit vérifier l’absence d’autres causes d’atteinte hépatique, s’assurer de la mise en œuvre du traitement médical, évaluer ses effets cliniques et biologiques et, enfin, veiller à ce que les signes de la maladie, notamment biologiques, disparaissent après la grossesse.

Épidémiologie et physiopathologie

La cholestase gravidique est une maladie non rare puisqu’elle concerne environ 1 % de l’ensemble des grossesses à travers le monde. [1, 2] Sa prévalence est plus importante dans certaines zones géographiques (Amérique du sud, Scandinavie) ce qui, conjointement à l’existence de formes familiales (15 %) et au taux élevé des récidives chez une même patiente (40 %-60 %), suggère fortement l’implication de facteurs génétiques. Par ailleurs, le risque de cholestase gravidique augmente avec l’âge, la multiparité et le caractère gémellaire de la grossesse [2].

Il est maintenant établi que la conjonction d’altérations génétiques constitutives retrouvées dans la séquence de gènes impliqués dans la sécrétion biliaire canaliculaire et du puissant effet inhibiteur exercé par les stéroïdes sexuels féminins à forte concentration sur l’expression de ces gènes concoure au risque de cholestase intra-hépatique au cours de la grossesse [3, 4].

Des variations nucléotidiques rares, le plus souvent hétérozygotes et faux-sens, de la séquence du gène ABCB4, codant le transporteur canaliculaire des phospholipides MDR3, également impliqué dans la cholestase intra-hépatique familiale progressive de type 3 (PFIC3) chez l’enfant et la lithiase intra-hépatique de cholestérol (low phospholipid-associated cholelithiasis, LPAC) chez l’adulte, sont observées dans près de 15 % des cas de cholestase gravidique [5-7]. Des variants rares d’autres gènes impliqués dans la sécrétion et l’homéostasie biliaire (ABCB11, ATP8B1, NR1H4, ABCC2) ont été identifiés de manière plus sporadique, soulignant la complexité et l’hétérogénéité génétique de la maladie [8].

L’allèle [C] du polymorphisme c.1331T>C (p.A444V) du gène ABCB11, gène codant le transporteur canaliculaire des acides biliaires BSEP, transporteur impliqué dans la cholestase intra-hépatique familiale progressive de type 2 (PFIC2) chez l’enfant et la cholestase intra-hépatique récurrente bénigne de type 2 (BRIC2) chez l’enfant et l’adulte, dont la fréquence dans la population générale est élevée (40 %-50 %), est associé à un surrisque de cholestase gravidique et de cholestase induite par les œstro-progestatifs [9, 10].

Le rôle de facteurs non génétiques a été suggéré notamment du fait des variations saisonnières de l’incidence de la maladie (pic en hiver) [11]. Des taux sériques faibles de vitamine D, stéroïde jouant un rôle dans l’homéostasie biliaire, pourraient expliquer la plus grande fréquence des cas de cholestase gravidique en hiver, de même que des concentrations faibles en sélénium [12].

Manifestations cliniques et biologiques, diagnostics positif et différentiel

La cholestase gravidique doit être évoquée devant un prurit apparaissant typiquement au 3e trimestre de la grossesse (80 % des cas surviennent après la 30e semaine de gestation), plus rarement au 2e trimestre, exceptionnellement au premier [2]. Ce symptôme, quasi constant, n’est précédé d’aucune lésion cutanée et touche l’ensemble du corps, bien qu’il prédomine aux extrémités. L’ictère n’est observé que dans 10 % des cas [13]. Quand il survient, il est presque toujours précédé par le prurit. L’apparition précoce des symptômes pourrait être associée à un risque plus élevé de complications materno-fœtales [14]. Ces symptômes doivent disparaître de manière caractéristique dans les 2 à 3 semaines qui suivent la délivrance.

L’augmentation de l’activité sérique des transaminases est observée dans la majorité des cas, mais peut être absente, si bien qu’un prurit isolé au cours de la grossesse sans élévation des transaminases ne permet pas d’exclure le diagnostic en l’absence d’un dosage concomitant des acides biliaires sériques [13, 15]. L’activité des transaminases est généralement comprise entre 2 et 10 fois la valeur seuil du laboratoire. Il faut tenir compte du fait que les valeurs normales des transaminases au cours de la grossesse sont habituellement abaissées d’environ 25 %. Il est donc recommandé de se référer aux valeurs de référence spécifiques de la femme enceinte lorsque celles-ci sont disponibles [3].

La normalité de la gamma-glutamyltranspeptidase (GGT) est caractéristique de la cholestase gravidique, qui fait partie des causes de cholestase à GGT normale. Toutefois, l’augmentation de la GGT peut être observée dans près de 30 % des cas, notamment en cas de mutation du gène ABCB4 [16]. Elle ne doit donc pas remettre en question le diagnostic. Les phosphatases alcalines, quant à elles, ne sont d’aucune utilité diagnostique puisque leur augmentation est physiologique au cours de la grossesse du fait d’une synthèse placentaire.

La concentration sérique des acides biliaires totaux constitue le marqueur diagnostic le plus sensible et le plus spécifique de la maladie chez une femme enceinte présentant un prurit typique en l’absence d’autres causes [3]. Il est important que le prélèvement sanguin soit pratiqué à jeun pour pouvoir interpréter correctement les résultats. Un taux sérique > 14 µmoles/L est considéré comme pathologique. L’augmentation isolée des acides biliaires sans autre signe de cholestase doit suggérer la possibilité d’une hypercholanémie gravidique [17]. Outre son intérêt diagnostique, le dosage des acides biliaires a un intérêt pronostique et thérapeutique. Un taux à jeun > 40 µmoles/L est considéré comme un facteur de risque de complications fœtales [18] et est pris en compte dans la décision de déclenchement prématuré de l’accouchement (cf. prise en charge thérapeutique).

Le diagnostic de cholestase gravidique repose au final sur un ensemble de critères (Tableau I) incluant : 1) un prurit sans dermatose évidente ; 2) une augmentation des acides biliaires sériques à jeun > 10 µmoles/L avec (généralement) une élévation concomitante des transaminases ; 3) l’absence d’autres causes de prurit, de cytolyse ou de cholestase (cf. ci-dessous) ; 4) enfin, la disparition complète des symptômes après l’accouchement [1]. La biopsie hépatique n’est pas nécessaire au diagnostic. Elle montre des signes de cholestase hépatocytaire pure à prédominance centrolobulaire, sans inflammation ni atteinte des canaux biliaires. Le génotypage du gène ABCB4 n’a pas non plus d’intérêt diagnostique. Il peut être discuté en cas de forme familiale à des fins de dépistage des jeunes femmes apparentées en âge de procréer, de persistance d’anomalies des tests hépatiques à distance de l’accouchement ou d’arguments cliniques, échographiques ou familiaux en faveur d’un syndrome LPAC.

Tableau I. Critères nécessaires au diagnostic de cholestase gravidique

  • Prurit sans dermatose évidente
  • Acides biliaires totaux à jeun > 10 μmoles/L et ALAT (généralement) élevées
  • Absence d’autres causes de prurit, cytolyse ou cholestase
  • Disparition des anomalies après accouchement

La cholestase gravidique est donc un diagnostic d’élimination (Tableau IIA, 2B). Le diagnostic différentiel du prurit d’une part [19], et des anomalies des tests biologiques hépatiques d’autre part, doit tenir compte du terme de la grossesse, des antécédents de la patiente (maladies préexistantes), de l’existence de symptômes ou signes évocateurs d’une affection gravidique spécifique [20], et d’un ensemble d’examens complémentaires visant à exclure des causes non liées à la grossesse, qu’elles soient préexistantes ou concomitantes (Tableau III). Il est important de vérifier la disparition des anomalies cliniques et biologiques à distance de l’accouchement afin d’écarter une maladie chronique du foie sous-jacente, en particulier une cholangite biliaire primitive, une cholangite sclérosante ou une cholestase chronique liée à un déficit génétique en transporteur biliaire (cf. pathologies associées).

Tableau IIA. Causes de prurit au cours de la grossesse

Etiologie Terme Risque foetal
Spécifique de la grossesse :
Cholestase gravidique Tardif Oui
Pemphigoïde de la grossesse Tardif Oui
Dermatose polymorphe de la grossesse Tardif Non
Eruption atopique de la grossesse Précoce Non
Non spécifique de la grossesse
Eczéma Indifférent Non
Réactions cutanées allergiques Indifférent Non
Scabiose Indifférent Non
Maladies hépatiques, rénales, thyroïdiennes, hématologiques Indifférent Oui

Tableau IIB. Causes de perturbation des tests biologiques hépatiques au cours de la grossesse

Etiologie Terme Signes évocateurs
Spécifique de la grossesse :
Hyperemesis gravidarum Précoce Vomissements
Cholestase gravidique Tardif Prurit
Stéatose aiguë gravidique Tardif Polyuro-polydipsie
Pré-éclampsie Tardif HTA, protéinurie
HELLP syndrome Tardif Hémolyse,
thrombopénie
Hépatites virales Indifférent
Hépatite médicamenteuse Indifférent
Hépatite alcoolique Indifférent
Stéato-hépatite dysmétabolique Indifférent
Maladies auto-immunes du foie Indifférent
Maladies vasculaires du foie Indifférent
Hémochromatose Indifférent
Maladie de Wilson Indifférent
Tumeurs du foie Indifférent
Obstruction des voies biliaires Indifférent

Tableau III. Examens complémentaires à pratiquer en cas de perturbation inexpliquée des tests biologiques hépatiques au cours de la grossesse

Hémogramme avec plaquettes
Ionogramme sanguin
Glycémie
Créatininémie, urémie
Protéinurie, ECBU
Uricémie
Taux de prothrombine
Sérologies des hépatites A, B, C, E et du cytomégalovirus
Sérologie et PCR du virus de l’herpès (si fièvre élevée)
Mesure de la concentration sérique des acides biliaires (si prurit)
Recherche d’anticorps anti-mitochondrie et anti-nucléaires (si prurit et GGT élevée)
Echographie du foie et des voies biliaires

Pronostics fœtal et maternel

Ce sont les complications fœtales qui font la gravité de la maladie. Elles sont dominées par la mort fœtale in utero et l’accouchement prématuré. La mort fœtale in utero complique 1 à 2 % des cas de cholestase gravidique [3]. Associés à ce risque, les cas de contamination du liquide amniotique par le méconium (27 %), de détresse fœtale (22 %) ou de bradycardie fœtale (14 %) sont plus fréquents. Le taux d’accouchement prématuré est significativement augmenté (19 à 60 %) mais le poids des nouveau-nés est normal pour l’âge gestationnel et le taux de malformation n’est pas augmenté [21].

Le risque de complication fœtale est corrélé à la sévérité de la cholestase maternelle. Le début précoce des symptômes, l’intensité du prurit et surtout la concentration à jeun des acides biliaires sériques sont des facteurs associés à ce risque [14, 18]. Le pourcentage de complications fœtales est directement corrélé au taux sérique des acides biliaires. Il augmente de 1 à 2 % par µmole/L additionnel d’acides biliaires. L’augmentation du risque fœtal est significative pour des concentrations d’acides biliaires maternelles > 40 µmoles/L avec un risque de mort fœtale in utero multiplié par 2,6 [18]. Le mécanisme de la détresse fœtale au cours de la cholestase gravidique reste mal connu. Les acides biliaires stimulent la vasoconstriction veineuse placentaire, augmente la sensibilité utérine aux effets de l’ocytocine et altèrent la contractilité des cardiomyocytes foetaux in vivo [22].

Le pronostic maternel est globalement bon. La principale complication maternelle est l’hémorragie du post-partum parfois observée dans les cas de cholestase ictérique prolongée compliquée de carence en vitamine K. Les patientes doivent être informées du risque de récidive en cas de future grossesse, mais ce risque n’est pas inéluctable (40 % à 60 %) et les récidives peuvent être de sévérité variable.[23]. La contraception œstro-progestative n’est pas contre-indiquée en particulier chez les patientes ayant déjà utilisé ce mode de contraception sans complication, mais là aussi une information du risque de cholestase hormono-induite est souhaitable ainsi qu’un contrôle des tests biologiques hépatiques 3 mois après son introduction [2].

Pathologies associées

La cholestase gravidique a longtemps été considérée comme une maladie bénigne réversible n’exposant qu’au seul risque de complication fœtale pendant la grossesse. On sait maintenant qu’elle présente des associations non fortuites avec d’autres maladies, gravidiques ou non gravidiques, ayant un impact pronostique à long terme. Pendant la grossesse, la cholestase gravidique prédispose au risque de pré-éclampsie et de diabète gestationnel (risque multiplié par 3) [24, 25], deux maladies gravidiques associées à un sur-risque cardio-vasculaire à long terme. Des études épidémiologiques suédoises ont pu aussi montrer que la cholestase gravidique était associée à long terme à un risque de lithiase biliaire, d’hépatite C, de cirrhose, de cancer primitif du foie, de maladies auto-immunes (en particulier diabète de type 1, thyroïdites, maladie de Crohn) et, à un moindre degré, de maladies cardiovasculaires [26, 27]. À noter que le risque de cancer primitif du foie persistait après exclusion des cas d’hépatite C et que le risque de cancer des voies biliaires était fortement associé à la présence d’une lithiase biliaire ou d’une cholangite [26].

L’association de la cholestase gravidique à la lithiase et au cancer des voies biliaires n’est probablement pas fortuite. Environ 15 % des cas de cholestase gravidique sont associés à une altération génétique du gène ABCB4 [7, 23], également impliqué dans la maladie lithiasique intra-hépatique de cholestérol, autrement appelée LPAC [28]. Il est intéressant de noter qu’un diagnostic de lithiase biliaire est rapporté chez 12 % des patientes atteintes de cholestase gravidique, contre 5 % seulement des femmes témoins appariées pour l’âge [27]. Si la fréquence du syndrome LPAC chez les femmes ayant eu une cholestase gravidique reste à déterminer, 49 % des femmes ayant un syndrome LPAC et eu au moins une grossesse déclarent un antécédent de cholestase gravidique [29], soulignant l’association forte entre ces deux maladies. L’échographie du foie et des voies biliaires joue donc un rôle important dans le dépistage du syndrome LPAC au cours de la cholestase gravidique.

Prise en charge thérapeutique médicale et obstétricale

Les objectifs du traitement de la cholestase gravidique sont doubles : soulager les symptômes maternels d’une part et diminuer le risque de complications fœtales d’autre part (Tableau IV). Si aucun traitement pharmacologique de fond n’est aujourd’hui formellement reconnu, les directives de l’European Association for the Study of the Liver (EASL) et celles de l’American College of Gastroenterology (ACG) sont de traiter systématiquement les patientes par acide ursodésoxycholique (AUDC) jusqu’à la délivrance à la dose de 10 à 20 mg/kg /j (10 à 15 mg/kg/j pour l’ACG) en raison des effets bénéfiques observés sur le prurit et les tests biologiques hépatiques (incluant les acides biliaires sériques) et de l’absence d’effet indésirable chez la mère et le fœtus [30, 31]. La dose d’AUDC doit être atteinte progressivement pour éviter l’aggravation du prurit due à l’augmentation transitoire du pool des acides biliaires en début de traitement.

Tableau IV. Principes du traitement de la cholestase gravidique

Traitement médical
Traitement anticholestatique :
Acide ursodésoxycholique 10-20 mg/kg/j (doses progressives)
Traitement symptomatique :

  • Hydroxyzine 25 à 50 mg/j
  • Rifampicine 300 mg/j (à discuter si prurit sévère persistant)
  • Vitamine K1 10 mg IV (si baisse du TP)
Traitement obstétrical
Déclenchement du travail à partir de la 37-38e semaine :

  • Soit systématique (habitudes locales)
  • Soit électif en présence de critères de mauvais pronostic :
    – Baisse du rythme cardiaque foetal
    – Baisse des mouvements actifs foetaux
    – Taux d’acides biliaires maternels > 40 μmoles/L
    – Taux de bilirubine maternel > 30 μmoles/L

L’effet bénéfique de l’AUDC sur le prurit et la biologie hépatique est souvent incomplet. Les patientes doivent en être informées. Le bénéfice d’un traitement complémentaire par cholestyramine (administrée à distance des prises d’AUDC), par dexaméthasone ou S-adenosyl-méthionine est incertain, voire improbable, ces molécules n’ayant pas prouvé leur efficacité en monothérapie [32]. Une étude rétrospective récente suggère que la rifampicine, traitement symptomatique de 2e ligne du prurit cholestastique [30], administrée à la dose de 300 mg/j en moyenne, améliorerait la biologie hépatique chez plus de la moitié des patientes et diminuerait de plus de 50 % la concentration des acides biliaires sériques chez 38 % d’entre elles [33]. L’administration d’antihistaminiques H1 (hydroxyzine 25 à 50 mg/j le soir) peut améliorer la tolérance au prurit, en particulier nocturne. Dans les cas de prurit sévère rebelle, les échanges plasmatiques peuvent être une option thérapeutique symptomatique [34].

Le bénéfice du traitement par AUDC sur les complications fœtales de la maladie reste non totalement prouvé, bien que probable. Trois méta-analyses des essais contrôlés de l’AUDC au cours de la cholestase gravidique ont été publiées depuis 2012, incluant chacune un nombre différent d’études [32, 35, 36]. Les trois méta-analyses indiquent une diminution du prurit maternel et du nombre de naissances prématurées. Deux indiquent une diminution du risque de séjour en soins intensifs néonatals et une diminution du risque de détresse fœtale. Le nombre de morts in utero était trop faible dans les trois études pour pouvoir évaluer l’effet du traitement sur cet événement. Bien que non totalement concordants, ces résultats suggèrent néanmoins fortement que l’AUDC limite le risque de complication fœtale au cours de la cholestase gravidique. Ces observations vont de paire avec l’augmentation sous AUDC de l’expression des transporteurs des acides biliaires dans le placenta, la réversion du gradient materno-fœtal des acides biliaires et la diminution de leur concentration dans le sang du cordon ombilical [37].

Le déclenchement prématuré de l’accouchement à la 37-38e semaine de gestation est une attitude assez largement partagée au sein des équipes obstétricales. Elle repose sur l’observation rétrospective d’un plus grand nombre de mort fœtale in utero au-delà de ce terme [38]. Toutefois, sa légitimité reste controversée [39] et il n’existe aujourd’hui aucune directive des sociétés savantes de gynécologie-obstétrique la recommandant clairement. Concernant les hépato-gastroentérologues, l’ACG a pris récemment position en recommandant cette pratique, mais en précisant que le niveau de preuve était très faible [31]. Il est démontré, en tout cas, que cette prise en charge obstétricale active n’augmente pas le taux de césariennes ni de manœuvres instrumentales effectuées en urgence [40].

En l’absence de recommandation officielle, la décision de déclencher l’accouchement doit être prise à l’échelon individuel en tenant compte des risques de mortalité in utero d’une part et de morbidité liée à la prématurité d’autre part. La patiente doit être informée de ces deux risques. Le risque de mort in utero peut être apprécié sur un ensemble d’indicateurs, incluant les taux maternels d’acides biliaires et de bilirubine, les mouvements fœtaux actifs et le rythme cardiaque fœtal [15]. À partir de 38 semaines, la maturité pulmonaire étant généralement acquise, le déclenchement systématique est largement préconisé. Avant 38 semaines, l’induction doit être proposée en cas de signes de souffrance fœtal (diminution des mouvements actifs ou du rythme cardiaque), de concentration des acides biliaires > 40 µmoles/L ou de bilirubinémie > 30 µmoles/L [15].

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Les Cinq points forts

  1. La cholestase gravidique est la plus fréquente des maladies hépatiques gravidiques.
  2. Elle est caractérisée par un prurit en fin de grossesse associé à une élévation des acides biliaires sériques et des transaminases, réversibles après l’accouchement.
  3. La cholestase gravidique augmente le risque de mort fœtale in utero, de prématurité et de détresse respiratoire néonatale.
  4. L’acide ursodésoxycholique diminue le prurit et améliore les tests biologiques hépatiques, mais son effet préventif sur la mortalité in utero n’est pas démontré.
  5. La cholestase gravidique est associée à une augmentation du risque de lithiase biliaire et est fréquemment observée chez les femmes ayant un syndrome LPAC.