Prise en charge endoscopique de l’ampullome vatérien : du diagnostic au traitement

POST’U 2021

Endoscopie

Objectifs pédagogiques

  • Savoir diagnostiquer une tumeur ampullaire
  • Connaître les examens indispensables au bilan d’extension
  • Connaître les modalités et les indications du traitement endoscopique
  • Connaître les complications de l’ampullectomie endoscopique
  • Connaître les modalités de surveillance

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Les 5 points forts

  1. L’ampullectomie endoscopique est le traitement de choix des adénomes et adénocarcinomes intra-muqueux ampullaires sans atteinte canalaire.
  2. La confirmation histologique d’une lésion adénomateuse ampullaire, hors contexte de polypose adénomateuse amiliale, est recommandée avant d’envisager son exérèse.
  3. La sélection des patients pouvant bénéficier d’une ampullectomie endoscopique doit être rigoureuse ; la duodénoscopie et l’écho-endoscopie sont les deux examens indispensables au bilan d’extension locale.
  4. Le taux de complications de l’ampullectomie endoscopique est élevé (20 %). Les deux complications les plus fréquentes sont la pancréatite aiguë et l’hémorragie.
  5. La surveillance après traitement endoscopique des adénomes de l’ampoule doit être rapprochée en raison d’un risque élevé de récidive locale (10 à 15 %).

LIEN D’INTÉRÊTS

Aucun

MOTS-CLÉS

Ampullome, tumeurs ampullaires, ampullectomie endoscopique

Introduction

Les tumeurs ampullaires sont rares et représentent seulement 0,6 à 0,8 % de l’ensemble des cancers digestifs. Les adénomes ampullaires sont des lésions de découverte souvent fortuite ou s’intégrant dans le contexte des polyposes adénomateuses familiales. L’ampullectomie réalisée par voie endoscopique est le traitement désormais bien admis des lésions superficielles ampullaires car il a démontré son efficacité et une morbidité moindre que le traitement chirurgical qui impose le plus souvent une duodéno-pancréatectomie céphalique. Les patients éligibles au traitement endoscopique doivent néanmoins être consciencieusement sélectionnés. La situation anatomique particulière de l’ampoule de Vater et sa proximité avec les canaux biliaire et pancréatique expliquent en grande partie les difficultés d’évaluation des lésions ampullaires ainsi que les particularités et complications du traitement endoscopique. Cet article a pour objectif d’expliquer comment diagnostiquer et faire le bilan d’extension d’une tumeur ampullaire, de comprendre comment sélectionner les patients éligibles à une ampullectomie endoscopique, d’appréhender les modalités et risques du traitement endoscopique et de connaître les modalités de surveillance.

Diagnostic de l’ampullome

  • Dans environ 40 % l’ampullome est découvert du fait de manifestations cliniques ou biologiques (1). Assez logiquement les lésions symptomatiques sont volontiers plus évoluées et souvent déjà invasives. Les symptômes révélateurs sont liés à l’obstruction soit de la voie biliaire principale (ictère, angiocholite) soit du canal pancréatique principal (douleurs, pancréatite aiguë). Les tumeurs ampullaires évoluées peuvent plus rarement être responsables d’anémie ou hémorragie digestive. C’est également parfois une anomalie de la biologie hépatique ou la découverte d’une dilatation des voies biliaires ou du canal pancréatique principal sur un examen d’imagerie abdominale qui amèneront au diagnostic d’ampullome.
  • De plus en plus fréquemment la découverte est fortuite à l’occasion d’un examen endoscopique réalisé pour une autre L’ampoule est généralement repérée par un endoscope à vision axiale, ce qui rend parfois délicat le diagnostic macroscopique. En cas de visualisation d’une « grosse ampoule » non symptomatique le diagnostic histologique prendra toute son importance. Ces découvertes fortuites sont plutôt de bon augure et s’explique certainement par une meilleure sensibilisation et formation des gastroentérologues.
  • Enfin, les ampullomes sont fréquemment rencontrés chez les patients atteint d’une polypose adénomateuse familiale. Pour ces patients, la prévalence des lésions ampullaires est estimée entre 3 et 12 % selon les séries. Néanmoins le potentiel évolutif des ampullomes dans le cadre des polyposes adénomateuses familiales est différent des ampullomes sporadiques, la plupart de ces adénomes ampullaires pouvant rester silencieux en dysplasie de bas grade durant plusieurs années. Ils sont par ailleurs régulièrement associés à des adénomes duodénaux dont le traitement apparaît souvent prioritaire par leur nombre ou par leur caractère plus agressif sur un plan histologique. Finalement en cas de polypose adénomateuse familiale, le traitement endoscopique des adénomes de l’ampoule n’est envisagé qu’en cas de la présence de dysplasie de haut grade sur les biopsies ou en cas de lésion de grande taille qui pourrait rendre sa résection plus délicate si elle évoluait. Les autres ampullomes seront laissés en place et feront l’objet d’une surveillance endoscopique simple ; les biopsies ne sont pas systématiques et préconisées seulement si l’aspect macroscopique est suspect ou en cas de tumeur avancées avant chirurgie (2-3).

Confirmation diagnostique : importance des biopsies

Toute suspicion d’ampullome doit mener à une exploration endoscopique avec un duodénoscope à vision latérale qui permet de visualiser au mieux la région ampullaire. L’endoscopie standard en vision axiale n’est pas adaptée à la visualisation correcte de l’ampoule et donc à proscrire. La duodénoscopie permet une évaluation macroscopique de l’ampoule et la réalisation de biopsies ciblées.

Aspect endoscopique des ampullomes

Même avec de l’expérience, l’évaluation endoscopique des lésions ampullaires n’est pas aisée. Ceci s’explique par la diversité de taille et de morphologie que peuvent prendre les lésions ampullaires. Le diagnostic est facile en cas de large lésion bourgeonnante, mais bien plus difficile en cas de petite lésion intra-ampullaire. L’évaluation doit rester prudente en gardant à l’esprit la clinique et les diagnostics différentiels possibles. Classiquement 3 formes macroscopiques sont rencontrées : les formes bourgeonnantes extra-ampullaires faciles à identifier, les formes purement endo-ampullaires qui se présentent sous la forme d’une grosse ampoule bombante à muqueuse normale, et les formes mixtes à développement à la fois intra et extra-ampullaire. Les formes mixtes sont les plus fréquentes représentant environ deux tiers des cas. Les formes bourgeonnantes sont faciles à diagnostiquer et posent souvent le problème de leur taille et de leur extension à la paroi duodénale environnante qui peut poser des problèmes lors de la résection endoscopique. Les formes endo-ampullaires sont les plus difficiles car l’aspect endoscopique reste tout à fait aspécifique et qu’il n’est souvent pas possible de faire la distinction entre une véritable tumeur ampullaire ou une lésion bénigne. Comme pour toute lésion superficielle du tube digestif il faut s’attacher à reconnaître les lésions d’emblée invasives soit par l’aspect désorganisé en surface, soit par la présence d’une ulcération ampullaire ou par son caractère hémorragique.

Diagnostic histologique (4-6)

En dehors du cas particulier des polyposes adénomateuses familiales, la nécessité d’une confirmation histologique de l’adénome ampullaire avant traitement est désormais bien admise. En effet, premièrement toutes les ampoules qui paraissent anormales ne sont pas adénomateuses, certaines sont bénignes ou justifient d’une prise en charge d’emblée chirurgicale comme les tumeurs neuro-endocrines ; deuxièmement l’ampullectomie endoscopique reste une procédure à risque de complications sévères et il n’apparaît pas logique de l’envisager sans preuve histologique.

Concernant les adénomes ampullaires, deux sous types histologiques sont décrits et expliqués par la position anatomique particulière de l’ampoule de Vater : le sous-type intestinal développé sur adénome duodénal (profil immunohistologique cytokeratine 7-/20+) et le sous-type pancréato-biliaire développé sur le versant canalaire (profil immunohistologique cytokeratine 7+/20-). Comme pour les lésions coliques l’évolution des adénomes ampullaires se fera vers l’adénocarcinome en passant par des stades d’atypies cytologiques allant de la dysplasie de bas et de haut grade jusqu’au carcinome in situ. L’interprétation des biopsies d’ampoule nécessite un médecin anatomopathologiste exercé, car la distinction entre des lésions de dysplasie de bas grade et de simples lésions inflammatoires régénératives n’est jamais aisée. La rentabilité des biopsies ampullaires n’est d’ailleurs pas parfaite, les faux négatifs de cancer sont retrouvés dans 20 à 40 % des cas et la concordance des biopsies avec l’histologie finale de la pièce d’ampullectomie est faible de 60 à 70 %. Les tumeurs à forme endo-ampullaires pures sont les plus difficiles et nécessitent parfois la réalisation d’une sphinctérotomie endoscopique afin d’augmenter la rentabilité des biopsies, bien que la sphinctérotomie puisse gêner la réalisation ultérieure d’une ampullectomie.

Au total, tout cela incite à rester prudent sur l’interprétation des biopsies, tant sur les résultats positifs que négatifs et qu’il faudra sans cesse confronter ces résultats au contexte clinique et biologique. Le diagnostic positif et la prise en charge se font généralement progressivement :

  • Le diagnostic est parfois évident par l’aspect endoscopique bourgeonnant, des signes typiques d’obstacle biliaire ou pancréatique (ictère ou cholestase, douleurs, dilatation canalaire à l’imagerie), l’absence d’argument pour une lithiase biliaire et des biopsies en faveur du diagnostic d’adénome ampullaire ;
  • Le diagnostic est incertain en présence de signes d’obstruction canalaire mais un aspect endoscopique ambiguë, le doute sur une migration lithiasique initiale, l’absence d’arguments morphologiques formels en écho-endoscopie et parfois la négativité d’une première série de prélèvements. Une courte sphinctérotomie est alors recommandée afin de réaliser des biopsies endo-ampullaires et de drainer généralement la voie biliaire principale par la mise en place d’une prothèse. Dans cette situation il faudra savoir répéter les prélèvements si nécessaire afin d’être certain du
  • Le diagnostic est difficile et hypothétique pour les lésions de découverte fortuite chez un patient asymptomatique et sans signes d’obstruction canalaire biologique et sur l’imagerie. En cas de biopsies négatives il est logique de proposer soit une nouvelle série de prélèvements soit une surveillance biologique stricte du bilan hépatique selon l’aspect endoscopique initial et le profil d’âge et d’antécédents du patient. Il n’est pas souhaitable de prendre le risque d’une sphinctérotomie endoscopique dans ce cas particulier. Si les biopsies initiales sont en faveur de la présence de dysplasie de bas grade, il est préférable de s’assurer de l’expertise de l’interprétation anatomo-pathologique car, pour l’ampoule, la distinction entre de simples lésions inflammatoires et de la dysplasie de bas grade est difficile et les faux positifs sont fréquents. En cas de doute, il est licite de proposer de nouvelles biopsies pour confirmer le diagnostic avant de se diriger vers un traitement spécifique. En cas de négativité de la deuxième série de biopsies une surveillance à 6 mois est recommandée.

Bilan d’extension

Outre le scanner thoraco-abdomino-pelvien pour la recherche de lésions à distance en cas d’adénocarcinome, la coloscopie doit être envisagée afin de ne pas méconnaître la présence d’adénomes coliques. En cas d’ampullome non dégénéré, l’objectif de l’évaluation locale sera de trancher sur les possibilités de résection endoscopique. La situation anatomique particulière de l’ampoule située au carrefour de la paroi duodénale et des canaux biliaires et pancréatiques va rendre cette évaluation difficile. Les deux critères décisionnels déterminants sont le degré d’invasion en profondeur et l’envahissement de la voie biliaire principale et/ou du canal pancréatique principal. À l’exception des très larges lésions, l’extension latérale sur le versant duodénal des ampullomes n’est pas réellement un facteur limitant de la résection endoscopique car il est toujours possible d’envisager la résection de ces larges lésions en plusieurs temps.

Deux classifications des lésions ampullaires sont établies (Figure 1) : la classification TNM et la classification japonaise (7). Ces deux classifications sont en corrélation avec le risque d’atteinte ganglionnaire en cas d’adénocarcinome. Dans la classification TNM, les lésions T1 sont limitées à l’ampoule alors que les lésions T2 infiltrent la musculeuse duodénale. Le risque d’atteinte ganglionnaire des lésions T1 a été rapporté entre 0 et 20 % et en cas de lésion T2 ce risque est supérieur à 30 %. La classification japonaise est plus précise et différencie dans les lésions limitées à l’ampoule celles qui respectent la sous-muqueuse duodénale (lésions d0) et celles qui envahissent la sous-muqueuse duodénale (lésions d1). Pour les Japonais les lésions d0 sans embols vasculaires sont associées à un risque nul d’atteinte ganglionnaire et à une survie de 100 % à 5 ans, tandis que les lésions d1 s’associent à 30 % d’atteinte ganglionnaire et une survie à 5 ans abaissée à 65 %. Le problème principal de l’évaluation pré-thérapeutique est donc bien de distinguer les lésions T1 voire d0 des autres lésions invasives.

 

Comparaison classi. TNM et classi. Japo.

Figure 1 : Comparaison entre la classification TNM et la classification japonaise des tumeurs ampullaires avec corrélation au risque d’atteinte ganglionnaire Les tumeurs T1 incluent les lésions intra-muqueuses (d0 de la classification japonaise) et les tumeurs envahissant la sous-muqueuse (d1 de la classification japonaise)

L’écho-endoscopie (Figure 2) est l’examen le plus performant pour l’évaluation des lésions ampullaires (8-9). Elle paraît indispensable avant de décider un geste de résection endoscopique et permettra de juger de l’infiltration en profondeur et de visualiser une éventuelle extension endo-cana- laire biliaire ou pancréatique. Les résultats de l’écho-endoscopie restent néanmoins imparfaits car la visualisation de la sous-muqueuse est difficile et que la performance de l’examen est certainement très dépendante de l’expérience de l’opérateur ; de plus la présence d’une prothèse biliaire ou une sphinctérotomie antérieure gênera considérablement l’interprétation. La sensibilité et la spécificité de l’écho-endoscopie pour l’évaluation du statut ganglionnaire ont été rapportées respectivement à 70 et 74 %. En ce qui concerne l’évaluation de l’infiltration en profondeur, l’écho-endoscopie évalue relativement bien les lésions évoluées T3 et T4 mais ses performances pour distinguer les lésions T1 des autres lésions sont moins bonnes.

Dans une méta-analyse récente (10) la sensibilité et la spécificité de l’écho-endoscopie pour distinguer les lésions T1 étaient de 77 % et 78 %. L’écho-endoscopie permet également de visualiser les bourgeons tumoraux dans le cholédoque et le wirsung avec une sensibilité et une spécificité relativement similaire.

Au terme de son exploration, l’écho-endoscopiste doit être en mesure de trancher sur le statut ganglionnaire, l’envahissement ou non de la musculeuse duodénale (lésions T1 vs. T2) et l’extension ou non aux canaux bilio-pancréatiques.

Echo-endoscopie

Figure 2 : Écho-endoscopie pour le bilan d’extension d’une tumeur ampullaire T1

Ampullectomie endoscopique

Indications

Les critères de résécabilité endoscopique généralement admis sont les suivants : tumeur inférieure à 5 cm, absence de critères endoscopiques de malignité (lésion ulcérée ou hémorragique), absence de signes d’invasion en profondeur en écho-endoscopie (usT1), absence d’invasion des canaux biliaire ou pancréatique et biopsies en faveur d’une lésion adénomateuse.

En cas d’adénocarcinome sur les biopsies initiales, la décision thérapeutique est plus délicate. Le taux de résection curative est largement diminué en cas d’adénocarcinome, mais si l’atteinte reste intra-muqueuse le risque d’atteinte ganglionnaire est nul et le traitement endoscopique seul peut s’avérer suffisant. L’écho-endoscopie conventionnelle ne permet pas une visualisation fiable de la sous-muqueuse duodénale. L’utilisation d’une mini-sonde d’échographie endocanalaire peut aider, mais son accès est limité à quelques centres experts. Il n’est donc pas illogique de proposer un traitement endoscopique premier en cas d’adénocarcinome ampullaire si l’évaluation endoscopique et écho-endoscopique initiale laisse suggérer une lésion possiblement intra-muqueuse. In fine, seule la pièce d’ampullectomie permettra une analyse histologique complète, laissant le choix d’une chirurgie de rattrapage en cas de lésion invasive (19-21).

Aspects techniques (Figure 3)

Déroulement ampullectomie

Figure 3 : Déroulement d’une procédure d’ampullectomie endoscopique
Dans l’ordre de lecture, capture à l’anse d’une lésion mixte endo et extra-ampullaire, aspect après section, insertion d’un fil guide dans le canal de Wirsung et pose d’une prothèse pancréatique préventive.

La technique de l’ampullectomie endoscopique s’inspire de celle de la résection endoscopique des lésions superficielles du tube digestif. Elle est néanmoins confrontée à la présence en profondeur de canaux biliaires et pancréatiques et latéralement à la fragilité de la paroi duodénale. Ceci explique les difficultés techniques et les complications qui peuvent survenir. L’opérateur doit être rodé aux techniques de résection muqueuse, de cathétérisme bilio-pancréatique et d’hémostase. Il n’existe pas de recommandations particulières pour la réalisation de l’ampullectomie endoscopique et certains détails techniques peuvent varier d’une équipe à l’autre, néanmoins le déroulement de la procédure reste relativement similaire (11-13) :

  1. L’injection sous-muqueuse n’est pas obligatoire et même déconseillée en cas de lésion limitée à l’ampoule car elle peut compromettre la qualité de la résection en profondeur vers les canaux. En revanche, elle peut s’avérer utile en cas de lésion extensive sur la paroi duodénale et pour éviter une perforation.
  2. La résection est réalisée à l’aide d’une anse diathermique qui est étalée sur la région ampullaire du haut vers le bas. Il n’existe pas de recommandations spécifiques à propos du choix de l’anse ou de la technique de résection. Il faut néanmoins préconiser, comme pour les autres lésions du tube digestif, une résection en mono-bloc de l’ampoule car les lésions déjà dégénérées sont fréquentes et que l’analyse histologique finale dictera la validité du traitement endoscopique ou l’indication d’un traitement chirurgical complémentaire. Une résection en mono-bloc n’est néanmoins pas toujours possible pour des tumeurs volumineuses ou en cas d’extension duodénale péri-ampullaire. Dans ce cas, une résection fragmentée est nécessaire en débutant préférentiellement par la résection de l’ampoule puis en poursuivant par le traitement de l’extension duodénale. Plusieurs séances sont parfois nécessaires. En cas de sphinctérotomie biliaire préalable, la résection se fera généralement en deux fragments latéraux.
  3. Après la résection, il est nécessaire de vérifier la liberté des canaux biliaires et pancréatiques. En cas de doute sur une atteinte endocanalaire ou une mauvaise vidange biliaire une sphinctérotomie et/ou la mise en place d’une prothèse biliaire peut être réalisée en complément. Le geste facilitera un traitement endocanalaire ultérieure si nécessaire.
  4. La pose d’une prothèse pancréatique afin de prévenir le risque de survenue d’une pancréatite aigüe est désormais bien établie et fortement recommandée (14-15). Le choix se porte vers une prothèse plastique de petit diamètre ou adaptée à la taille du canal de L’orifice du canal pancréatique est généralement visible et cathétérisé grâce à un fil guide. La mise en place de la prothèse pancréatique est parfois plus délicate notamment si l’orifice pancréatique n’est pas visible ou si le canal pancréatique n’est pas dilaté. Dans ce cas, les tentatives de mise en place de la prothèse pancréatique doivent se limiter à quelques minutes pour ne pas majorer le risque de pancréatite aiguë et de perforation. L’autre intérêt de cette prothèse pancréatique est de repérer et protéger l’orifice pancréatique si un traitement complémentaire est nécessaire et notamment en cas d’hémorragie retardée.
  5. La procédure se termine par la vérification de l’hémostase. Il n’y a pas de recommandations particulières concernant une hémostase préventive après une ampullectomie, mais les saignements retardés sont fréquents à l’image des complications observées dans la résection endoscopique des adénomes duodénaux. Une hémostase préventive paraît judicieuse soit à l’aide d’une pince coagulante soit en refermant les berges inférieures de l’ampullectomie par des clips (de maniement parfois délicat au travers du duodénoscope).

Envahissement canalaire et radiofréquence (16-17)

L’extension canalaire biliaire ou pancréatique par l’adénome est une contre-indication relative à la résection endoscopique en raison de la non possibilité de traiter et contrôler l’intérieur des canaux et en raison d’un fort taux de récidive en cas d’envahissement canalaire. Le développement récent des sondes de radiofréquence biliaires pourrait modifier cette attitude. La radiofréquence intra-canalaire pourrait s’avérer utile pour les patients avec une extension canalaire évidente lors du bilan d’extension mais chez qui le traitement chirurgical est contre-indiqué du fait de l’âge ou des comorbidités associées. L’autre problématique est celle des patients pour lesquels l’extension canalaire est révélée soit sur la pièce d’ampullectomie soit plus tardivement au cours de la surveillance. Les premières données sont plutôt encourageantes. Dans l’étude prospective française comprenant 21 patients avec un envahissement biliaire, le contrôle des lésions adénomateuses a pu être obtenu pour 70 % d’entre eux à 12 mois après une séance de radiofréquence. D’autres études sont bien entendu nécessaires, mais la radiofréquence pourrait se positionner comme une alternative à la chirurgie chez les patients les plus fragiles avec atteinte canalaire.

Complications (11-15, 18)

Même si elle n’est pas comparable au traitement chirurgical, l’ampullectomie endoscopique est une procédure à haut risque de complications en cumulant les risques d’une résection de la muqueuse duodénale et les risques d’un cathétérisme bilio-pancréatique. Les deux complications les plus fréquentes sont la pancréatite aiguë et l’hémorragie. Dans les premières séries historiques rétrospectives le taux global de complications était en moyenne de 21 %, avec 13 % de pancréatites aiguës, 7 % d’hémorragies et 1 % de perforation. Dans la série multicentrique prospective française comprenant 93 patients, la morbidité était largement plus élevée avec 35 % de complications et une mortalité non nulle de 0,9 %. La complication principale était la pancréatite aiguë (20 %), puis par ordre de fréquence les hémorragies (10 %), les complications biliaires (7 %), les perforations (3,6 %) et les sténoses canalaires secondaires (1,8 %). Le taux important de pancréatites aiguës n’est plus celui observé actuellement. L’utilisation systématique des anti-inflammatoires et la mise en place d’une prothèse pancréatique préventive a nettement fait diminuer ce taux qui a été abaissé en dessous de 10 %.

La gestion des complications est classique : la pancréatite aiguë ne requiert qu’une surveillance médicale stricte, la gestion des hémorragies digestives se fera par voie endoscopique avec les méthodes classiques d’hémostase (sérum adrénaliné, pince coagulante et clips), la perforation requiert en général au minimum un drainage retropéritonéal en concertation avec le chirurgien.

L’incidence des complications sévères incitent donc à une sélection minutieuse des patients éligibles à une ampullectomie endoscopique, à une information éclairée du patient et de sa famille, à un opérateur entraîné et à un environnement médico-chirurgical capable de gérer ces complications si elles surviennent.

Surveillance après ampullectomie endoscopique

L’ampullectomie endoscopique permet la guérison des patients sélectionnés dans 80 % des cas. Après résection d’une tumeur bénigne de l’ampoule, le risque principal est celui de la récidive locale. Le risque de récidive est de 10 à 15 % au cours du suivi. Les facteurs favorisants identifiés sont l’ictère initial, l’envahissement canalaire, le caractère fragmenté de la résection et la présence d’un adénocarcinome. La récidive peut apparaître très tardivement après la résection initiale et le suivi doit donc être long. Il n’existe pas de recommandations consensuelles de surveillance. La surveillance se fera par duodénoscopie pour la visualisation de la zone de résection duodénale, idéalement couplée à la réalisation d’une écho- endoscopie qui permet la visualisation des canaux biliaires et pancréatiques. Le premier contrôle sera précoce entre 1 et 3 mois et a pour objectif de s’assurer de la qualité de l’exérèse initiale et de retirer la prothèse pancréatique si elle n’a pas migré spontanément. Par la suite, un examen semestriel pendant 2 ans puis annuel pendant encore 3 ans paraît adapté.

La plupart des récidives locales sont accessibles à nouveau à un traitement endoscopique par les méthodes de destruction, plasma argon essentiellement ou plus récemment radiofréquence en cas d’atteinte canalaire. Plusieurs séances sont parfois nécessaires. Chez un patient opérable, il faudra garder à l’esprit l’alternative chirurgicale si la situation locale n’est plus maîtrisable.

Conclusion

Les adénomes ampullaires sont découverts fréquemment de façon fortuite et pour la plupart accessibles à un traitement endoscopique. Le diagnostic doit être confirmé par des prélèvements histologiques. Le bilan pré-thérapeutique est essentiel et repose sur une duodénoscopie couplée à une écho- endoscopie qui permettent l’évaluation pariétale et canalaire. L’ampullectomie endoscopique est une procédure à risque, néanmoins moins morbide que le traitement chirurgical et curative dans la majorité des cas. Le suivi des patients doit être long pour dépister les récidives locales parfois tardives.

Références

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