[Atelier] Cathétérisme bilio-pancréatique et sphinctérotomie endoscopique

Objectifs pédagogiques

  • Quelles sont les indications actuelles du cathétérisme diagnostique ?
  • Savoir comment réussir une sphinctérotomie difficile et optimiser le choix du petit matériel ;
  • Connaître les complications de la sphinctérotomie: comment en réduire le risque ?

Introduction

Le cathétérisme bilio-pancréatique (CPRE) a plus de 40 ans et la sphinctérotomie endoscopique (SE) fête ses 37 ans en 2011. Leurs indications ont évolué au fil du temps vers un champ presque exclusivement thérapeutique mais leur technique, malgré de substantielles améliorations de l’instrumentation, n’a pas fondamentalement changé depuis leur origine.

La technique du cathétérisme repose sur le couplage de l’endoscopie et de la radiologie interventionnelle, et impose donc un environnement spécifique, de plus en plus souvent intégré à l’unité d’endoscopie. Le personnel réalisant les gestes de CPRE doit avoir reçu une formation adaptée. Cette formation est longue (environ 2 ans dévolus à cet apprentissage pour les endoscopistes) et la compétence doit être maintenue par un niveau d’activité suffisant (supérieur à 100 actes par an). L’association d’un duodénoscope (vision latérale et gros canal opérateur de 4,2 mm) et d’un sphinctérotome constitue le socle de la technique, mais une instrumentation très diversifiée est nécessaire au succès de gestes thérapeutiques souvent complexes.

Indications historiques de la CPRE et de la SE

Au début des années 1990, seul un petit nombre d’indications de la CPRE faisait consensus, en raison d’inconnues persistantes sur les risques à court et long terme de la technique. On admettait ainsi que la SE était indiquée :

  • en cas de lithiase résiduelle après cholécystectomie, car il était illogique de réopérer un patient qui pouvait bénéficier d’un geste simple ;
  • en cas d’angiocholite lithiasique grave, non contrôlée, car la chirurgie dans ce cas a une mortalité élevée et la SE est un geste bref qui permet d’obtenir très rapidement un drainage biliaire efficace sans surmortalité par rapport au même geste réalisé « à froid » ;
  • en cas de très haut risque chirurgical ou de contre-indication à la chirurgie : là aussi, l’absence de surrisque associé à la SE a fait préférer l’option endoscopique en cas de lithiase cholédocienne chez les patients très âgés ou porteurs de tares viscérales. De même, l’impossibilité d’une chirurgie curative en cas de tumeur bilio-pancréatique métastatique ou localement avancée a ouvert la voie au drainage palliatif des sténoses biliaires tumorales.

« Nouvelles » indications

Entre 1990 et 2010, de très nombreux travaux ont permis de réduire un certain nombre d’inconnues et d’élargir considérablement le champ des indications consensuelles :

  • les complications postopératoires de la CPRE/SE ont été bien analysées par de larges études multicentriques prospectives ;
  • les effets secondaires à long terme, jusqu’à plus de 20 ans, ont été rapportés et des craintes liées à l’établissement d’une fistule cholédocoduodénale chronique ont été levées ;
  • ainsi, la place de l’endoscopie interventionnelle bilio-pancréatique s’est élargie, entre autres, aux situations suivantes :
    •  le traitement de la lithiase de la voie biliaire principale, quel qu’en soit le contexte,
    • le drainage des obstacles biliaires tumoraux, même en cas de siège hilaire,
    • le drainage endoscopique préopératoire des obstacles tumoraux, dans certains cas, après discussion multidisciplinaire,
    • le traitement des fistules biliaires,
    • la prise en charge des complications de la pancréatite chronique (sténoses du canal de wirsung, pseudo-kystes, lithiase pancréatique),
    • les sténoses biliaires bénignes (anastomotiques après transplantation hépatique, après plaie biliaire chirurgicale, sur pancréatite chronique, etc.).

Dans certains cas, une SE ou une dilatation de la papille est nécessaire pour faciliter l’accès à un instrument (cholangioscope) ou l’implantation d’un dispositif (prothèse expansive, notamment couverte).

Quelles indications diagnostiques ?

Les indications strictement diagnostiques de la CPRE ont très largement cédé le pas à celles des gestes thérapeutiques. Une opacification directe reste parfois nécessaire lorsque l’imagerie non invasive en coupes ou l’échoendoscopie n’ont pas permis un diagnostic (cholangite sclérosante peu évoluée par exemple) mais de tels cas sont rares. En revanche, un certain renouveau de l’exploration diagnostique endocanalaire est observé avec l’apparition de minisondes échographiques endocanalaires et surtout de systèmes de cholangio-pancréatoscopie simples à utiliser comme le Spyglass® et de sondes d’endomicroscopie confocale fines et souples, à introduire dans la voie biliaire principale (Cellvizio®). Ces techniques pourraient améliorer sensiblement le diagnostic des sténoses biliaires, dont l’étude cytologique classique a une faible rentabilité et laisse un certain nombre de lésions indéterminées.

Conditions des performances et de la qualité en endoscopie bilio-pancréatique

Le cathétérisme bilio-pancréatique demeure la technique endoscopique la plus difficile. Quelles que soient les techniques et instruments utilisés, la CPRE demande un long apprentissage et le maintien d’une activité soutenue pour que ses résultats soient à la hauteur de ses possibilités. Compte tenu des investissements nécessaires aux techniques bilio-pancréatiques (duodénoscopes, matériel de radiologie et de radioprotection), des coûts liés aux gestes et de leurs risques spécifiques, des indicateurs de qualité devraient être mis en place, comme cela se fait peu à peu pour la coloscopie. Un taux de succès du cathétérisme et de la SE supérieur à 90 % et un taux de complications inférieur à 10 % sont des indicateurs minimaux qui devraient être vérifiables, au même titre que le volume minimal d’activité requis pour maintenir un niveau de qualité correct. Le succès de la CPRE repose sur l’acquisition et la maîtrise par l’opérateur des techniques essentielles, sur la présence d’infirmières endoscopistes spécialement formées, sur l’existence d’un environnement adéquat (équipe et matériel d’anesthésie, salle postinterventionnelle, unité de soins intensifs, etc.) et sur la disponibilité d’une instrumentation ancillaire appropriée. Outre le sphinctérotome, le cathéter à ballonnet de Fogarty et la sonde de Dormia, il est indispensable de disposer de cathéters simples d’opacification et de guidage, d’un éventail de fils-guides, de dilatateurs hydrostatiques, de couteaux ou aiguilles de précoupe, de brosses cytologiques et de l’incontournable lithotriteur mécanique. Les DMI doivent être tout aussi diversifiés afin de s’adapter à toutes les situations : drains naso-biliaires de différents calibres, prothèses plastiques et métalliques de différentes longueurs et diamètres. En cas de cathétérisme difficile (papille intradiverticulaire, antécédent de chirurgie gastrique type Billroth II ou de chirurgie hépatique majeure, papille envahie par une tumeur, mais parfois papille d’aspect tout à fait normal), des artifices techniques doivent pouvoir être mis en oeuvre avec discernement et efficacité : utilisation de fils-guides (sélective plutôt que systématique) et précoupe (infundibulotomie plutôt que papillotomie) sont les principaux recours dans ces situations délicates. Dans quelques cas, une deuxième tentative après un premier échec est parfaitement légitime.

Complications et leur gestion

Les complications de la CPRE/SE sont bien connues : si la perforation est assez rare, l’infection, le saignement et surtout la pancréatite sont plus fréquents.

Perforation

La perforation (< 1 %), habituellement rétro-péritonéale, après SE trop large ou mal orientée, est décelée par un cliché en décubitus dorsal centré sur l’hypocondre droit, qui doit être systématique après le retrait de l’endoscope. Un scanner permet de vérifier l’absence d’épanchement et de perforation péritonéale associée. Elle se traite le plus souvent médicalement par aspiration digestive et bi-antibiothérapie probabiliste.

Infection

L’infection (2-4 %) peut découler d’une contamination vésiculaire (cholécystite, au moins 10 % des cas si la vésicule lithiasique est laissée en place), canalaire (angiocholite, sur un obstacle non levé ou partiellement traité) ou d’une cavité ou collection communicante (pseudokyste, maladie de Caroli, etc.). Le mieux est de la prévenir par une antibioprophylaxie qui doit être raisonnée et non systématique. En effet, l’antibioprophylaxie systématique n’a pas fait la preuve de son intérêt et n’est donc pas recommandée ; cependant, elle est indispensable en cas d’obstacle mal drainé et paraît utile en cas de lithiase vésiculaire ou de collection communicante.

Hémorragie

L’hémorragie (2-3 %) est peut-être moins fréquente depuis la généralisation des bistouris « intelligents » adaptant automatiquement le courant délivré à la résistance des tissus. Elle reste fréquente en cas de section mal orientée (partant « vers la droite » en général), de troubles de la coagulation et de reprise précoce d’un traitement anticoagulant. Le respect scrupuleux des règles et recommandations en matière de gestion des antiagrégants plaquettaires et anticoagulants est évidemment de mise. La prise en considération simultanée des risques thrombotique et hémorragique est nécessaire afin d’accepter ou non la réalisation d’un geste et ses conditions et de donner en postopératoire des consignes appropriées.

Pancréatite aiguë

La pancréatite aiguë après CPRE/SE (PAP) (environ 5 %) demeure la complication la plus fréquente et la plus imprévisible. Ses facteurs de risque ont été assez bien caractérisés, mais sa prévention est peu efficace. Toutefois, de multiples études ont permis, au sein de données globalement décevantes, de dégager au moins 2 méthodes susceptibles de réduire l’incidence de la PAP : l’administration d’AINS comme le diclofénac par voie rectale est maintenant recommandée lors des cathétérismes « tout-venant », alors que la mise en place d’une fine prothèse plastique dans le canal de Wirsung est préconisée en cas de geste à haut risque comme lors d’une ampullectomie endoscopique.

Références

  1. Clayton ESG, Connor S, Alexakis N, Leandros E. Meta-analysis of endoscopy and surgery versus surgery alone for common bile duct stones with the gallbladder in situ. British J Surg 2006;93:1185-91.
  2. Baron TH, Petersen BT, Mergener K. Quality Indicators for Endoscopic Retrograde Cholangiopancreatography. Am J Gastroenterol 2006;101:892-7.
  3. Shawn Mallery J, Baron TH, Dominitz JA, and the ASGE Standards of Practice Committee. Complications of ERCP. Gastrointest Endosc 2003;57:633-8.
  4. Subhani JM, Kibbler C, Dooley JS. Review article: antibiotic prophylaxis for endoscopic retrograde cholangiopancreatography. Aliment Pharmacol Ther 1999;13:103-16.
  5. Dumonceau JM, Andriulli A, Deviere J, Mariani A, Rigaux J, Baron TH, et al. European Society of Gastrointestinal Endoscopy (ESGE) Guideline: Prophylaxis of post-ERCP pancreatitis. Endoscopy 2010;42:503-15.

Les 5 points forts

  1. La CPRE est avant tout thérapeutique :
    1. lithiase de la voie biliaire principale ;
    2. prothèse biliaire ;
    3. pancréatite chronique.
  2. Mais des indications diagnostiques renouvelées :
    1. sténoses indéterminées ++.
  3. La succès repose sur :
    1. la parfaite maîtrise des gestes (nombre d’actes par an) ;
    2. la connaissance des indications et du matériel.
  4. La qualité en CPRE est à développer :
    1. formation ;
    2. environnement ;
    3. nombre d’actes par an.
  5. Certaines complications peuvent être prévenues.