Les critères qualité de la polypectomie

Objectifs pédagogiques

  • Connaître les critères qualité
  • Savoir comment les appliquer
  • Comment les intégrer dans la pratique

Introduction

L’exérèse endoscopique des lésions adénomateuses du côlon et du rectum est la base de la prévention du cancer colo-rectal. La fréquence de la polypectomie justifie qu’elle fasse partie des gestes de base de l’apprentissage de la coloscopie (290000 coloscopies totales associées à une polypectomie dans l’enquête de la SFED 2 jours d’endoscopie en France 2006). Plus récemment, la technique de mucosectomie a élargi le champ des lésions résécables par endoscopie. Les évolutions se poursuivent avec l’apparition de la technique de dissection sousmuqueuse. Si cette dernière reste réservée à des centres experts et à de rares lésions sélectionnées, la polypectomie et idéalement la mucosectomie doivent être utilisées au mieux par les endoscopistes. Un certain nombre d’améliorations se sont faites au fil des ans et les indications respectives, les techniques idéales sont de plus en plus précises. Parallèlement, les données disponibles sur le risque ganglionnaire des lésions avancées se sont précisées. La classification de Paris (Tableau 1 [1]) a permis d’adapter nos gestes à la présentation endoscopique de la lésion. La terminologie et les renseignements que doivent fournir l’anatomopathologiste ont parallèlement évolué (classification de Vienne (Tableau 2 [2], conférence de consensus sur le cancer colique). Ces dernières années la SFED (sfed.org) a codifié dans deux fiches de recommandations les techniques de polypectomie et de mucosectomie en coloscopie. Les critères qualité du geste sont ainsi précisés mais nécessitent une bonne collaboration avec les anatomopathologistes. Ils vont être détaillés ci-dessous en excluant certains cas particuliers (lésions survenant sur colites inflammatoires, patient à très haut risque) où l’on se référera aux recommandations spécifiques de la SFED.

Analyse endoscopique du polype

Résection ou surveillance ?

L’analyse endoscopique du polype ne permet pas de choisir entre exérèse ou abstention thérapeutique. En effet, aucune technique endoscopique (chromoendoscopie par colorant ou virtuelle, zoom, etc.) ne permet d’exclure formellement la présence d’un contingent adénomateux. Les petits polypes (< 6 mm) doivent également être réséqués. En effet, la moitié d’entre eux sont adénomateux [3], un foyer de dysplasie de haut grade (DHG) existe dans au moins 1 % des cas et la présence d’un carcinome est possible [4].

Quelles sont les contre-indications à un geste endoscopique ?

La localisation et la taille de la lésion

Ce sont rarement des limites à la résection endoscopique. On doit cependant opérer de principe les lésions sur l’orifice appendiculaire et celles sur la valvule iléocæcale qui ne sont pas visibles en totalité. On doit discuter d’une chirurgie pour les lésions occupant plus des trois quarts de la circonférence, en particulier dans le sigmoïde ou dans le rectum, qui exposent au risque de sténose post-mucosectomie. Ce risque sera à mettre en balance avec le risque opératoire.

L’existence de troubles modérés de l’hémostase

Ce n’est pas une contre-indication dans la limite d’un INR < 1,5 et/ou d’un taux de plaquettes > 50000/mm3. En cas de traitement anticoagulant ou antiplaquettaire, les recommandations de la SFED devront être suivies.

Le risque d’extension ganglionnaire

Il est avant tout dépendant de l’atteinte néoplasique de la sous-muqueuse. Pour une lésion donnée, ce risque est fonction de l’aspect endoscopique (classification de Paris) et de son diamètre. Le taux d’envahissement carcinomateux de la sous-muqueuse est inférieur à 15 % pour les types 0-I, 0-IIa, 0-IIb et pour les lésions à large extension latérale (LST = Lateral Spreading Tumor) [1]. Ce risque est en revanche supérieur à 30 % pour les types 0-IIc et 0-III. Pour ces deux derniers types, le choix d’une chirurgie d’emblée ou d’un traitement endoscopique peut se discuter en fonction de la taille lésionnelle (cf. infra).

À côté de la classification de Paris, la classification de Kudo basée sur l’analyse des cryptes glandulaires est utilisée par certaines équipes. En effet, avec une précision de l’ordre de 85 %, le stade V de la classification de Kudo est associé à un risque d’envahissement sous-muqueux de 40 %. L’emploi de cette classification est cependant difficile et elle est rarement utilisée en Europe.

L’échoendoscopie pourra être utilisée dans le rectum pour rechercher un envahissement dépassant la sousmuqueuse ou une métastase ganglionnaire qui représenteraient une contre-indication à toute tentative de traitement endoscopique.

Quand une mucosectomie est envisagée, l’injection sous-muqueuse est un élément contribuant à l’évaluation de l’extension en profondeur. Si la lésion reste adhérente au plan profond, un envahissement de la sous-muqueuse moyenne est très probable et l’exérèse endoscopique doit être récusée. Il constitue le meilleur signe endoscopique pour le diagnostic d’envahissement sous-muqueux. Ainsi, son absence est associée à une valeur prédictive positive de 80 % et négative de 96 % pour l’envahissement sous muqueux [5]. Le principal facteur limitant est l’expérience de l’opérateur. Une bonne technique d’injection (cf. infra) est indispensable car une injection trop en profondeur n’entrainera pas de soulèvement de la lésion. En cas de dissociation entre l’aspect endoscopique et le soulèvement obtenu par injection, il est recommandé de prendre un avis complémentaire d’un centre expert.

Les limites propres à chaque opérateur

En cas de polype paraissant à la limite de nos habitudes de résection et de notre matériel il ne nous sera jamais reproché de temporiser. Biopsier et adapter le traitement en fonction du résultat est licite. Cela permet de reprendre le patient avec un environnement plus sécurisé (information complémentaire du risque et des choix thérapeutiques délivrée au patient, hospitalisation prévue le soir du geste, etc.), ou de le confier à un autre opérateur. On privilégiera toujours d’adresser le patient à un centre d’endoscopie expert dans les résections difficiles ou mieux équipé (coloscope double canal) plutôt que d’envisager un geste chirurgical sur une lésion qui aurait pu être traitée par endoscopie.

Polypectomie ou mucosectomie ?

Les lésions de type pédiculé (0-Ip) sont à traiter par polypectomie endoscopique en première intention. Si le pédicule est court et si l’on risque de ne pas avoir de marge de tissu sain entre la base de la lésion et la tranche de section il est recommandé de réaliser une injection sous-muqueuse du pied du polype.

Les lésions de type sessile (0-Is) seront traitées par polypectomie ou par mucosectomie en fonction du diamètre de leur base d’implantation et de leur aspect macroscopique :

  • pour les lésions 0-Is non suspectes endoscopiquement, de base d’implantation comprise entre 6 et 9 mm, et résécables en totalité en un fragment, la technique de polypectomie peut être utilisée ;
  • pour toutes les autres lésions, la technique de mucosectomie est recommandée.

Les lésions de classe 0-IIa (légèrement surélevée), 0-IIb (plane) et celles à extension latérale avec ou sans nodule doivent être réséquées par la technique de mucosectomie.

Les lésions 0-IIc (déprimées) et 0-III sont à biopsier. Si les biopsies confirment l’adénocarcinome, un geste endoscopique à visée curative ne peut se discuter que pour les lésions 0-IIc < 15 mm. Si la lésion est rectale, une échoendoscopie est nécessaire avant la tentative de traitement. Il est conseillé d’adresser le patient à un centre expert pour choisir entre mucosectomie ou dissection sous-muqueuse. Dans les autres cas, une chirurgie d’emblée sera à conseiller.

La résection

Principes généraux de résection

Quelques principes simples facilitent la résection des polypes. Ils sont particulièrement utiles quand la résection s’avère délicate.

  1. Un coloscope non bouclé donnera plus de liberté de manoeuvre pour se positionner.
  2. L’orifice de sortie du canal opérateur est situé entre 5 heures et 8 heures sur un cadran horaire. Positionner le polype dans ce cadran permettra d’y accéder directement. Vriller l’endoscope (en le faisant tenir par une aide) ou changer la position du patient peuvent faciliter l’accès.
  3. Pour tous les polypes coliques = 5 mm ou pour ceux de 6 à 9 mm en situation difficile, il est conseillé d’effectuer l’exérèse dès leur visualisation (10 % des polypes visualisés à la montée ne sont plus retrouvés à la descente). Dans tous les autres cas, l’exérèse sera réalisée lors du retrait du coloscope.
  4. Le choix de l’anse, et en particulier de sa taille et de sa forme, peut être adapté à l’aspect et à la localisation du polype. En situation standard, une anse tressée de large diamètre (25 mm) et suffisamment rigide permet de saisir la plupart des lésions. Dans certaines situations délicates des anses plus adaptées peuvent être préférées (anses de petite taille (10 mm), anses asymétriques, anses à dard externe distal). En pratique, il est prudent d’utiliser un ou deux modèles d’anses auxquels on est habitué et qui répondront à la majorité des situations.
  5. L’utilisation systématique d’un courant mixte qui associe alternativement un courant de section et de coagulation délivrés automatiquement par le générateur en mode « endocoupe » (générateur Erbé®) ou en mode « polype » (générateur Martin®) permet de simplifier la procédure de résection et de limiter les risques de coagulation intempestive. Seule la puissance maximale devra être adaptée à la taille du polype. D’une manière générale, afficher une puissance élevée (jusqu’à 200) ne présente pas de risque, le bistouri étant programmé pour utiliser la puissance nécessaire et non celle affichée.
  6. La récupération se fera par aspiration (dans un piège à polype), ou par utilisation de l’anse à polypectomie en les enserrant modérément pour ne pas les sectionner. Pour les polypes proximaux ne passant pas dans le canal opérateur et pour ceux réséqués en plusieurs fragments une récupération à l’anse à filet pourra être privilégiée. Elle permettra ainsi l’examen du reste du côlon tout en retirant le polype.
  7. En cas de polypectomie jugée macroscopiquement incomplète ou douteuse et en cas de polype suspect susceptible de nécessiter une chirurgie complémentaire, le siège de la polypectomie doit être marqué. Deux techniques peuvent être utilisées :
  • l’injection de liquide de tatouage (charbon de bois stérile) doit être précise : un faible volume (0,25 mL) sera utilisé pour une injection superficielle aux quatre cadrans. Une injection trans-pariétale peut entraîner une réaction péritonéale. Si un noircissement au site d’injection n’apparaît pas immédiatement il faut retirer légèrement l’aiguille ;
  • le marquage du site par clip nécessite la pose d’au moins deux clips (idéalement à mords longs) diamétralement opposés. La réalisation d’un abdomen sans préparation après la pose permet le repérage anatomique pour l’éventuelle chirurgie ultérieure.

Résection des polypes < 6 mm

Le plus souvent, il est impossible pour l’anatomopathologiste d’affirmer que l’exérèse a été complète sur ces petites lésions. Il est également quasiment impossible de retrouver sur un examen de contrôle précoce la trace de l’exérèse de ces polypes même si elle a été incomplète. Une exérèse endoscopiquement complète d’emblée doit donc être réalisée et la localisation du polype bien précisée sur le compte rendu en cas de surveillance rapprochée nécessaire ultérieurement.

Peu d’études ont comparé les techniques de résection de ces petits polypes. L’utilisation d’une pince à biopsie est certainement le plus simple et peut permettre une exérèse complète. C’est particulièrement vrai quand la lésion peut être enlevée en un coup de pince. Quand plusieurs prélèvements s’avèrent nécessaires, il est plus difficile d’être certain endoscopiquement que tout le polype a été enlevé du fait du saignement induit. On privilégiera cette méthode pour des lésions de 2-3 mm en prenant son temps pour bien positionner la pince et pour tout réséquer d’emblée. Pour des lésions de 4-5 mm et pour les petits polypes difficiles d’accès plusieurs options sont possibles. La combinaison de deux méthodes (biopsie/exérèse à la pince froide et destruction par coagulation bipolaire ou par plasma argon) permet d’obtenir l’éradication la plus complète, avec un pourcentage de résidus adénomateux le plus faible voire nul [6, 7]. L’utilisation de pince chaude permet de combiner la biopsie et la destruction en un temps. Quelques complications ont été décrites en particulier au niveau du côlon droit [8, 9] mais ce risque est considéré comme exceptionnel dans des mains habituées et sous réserve de limiter la pression sur la paroi lors de la coagulation. L’option ayant le meilleur rapport efficacité, coût, simplicité reste probablement l’anse diathermique utilisée sans courant (décapitation) associée à la récupération du polype dans un piège [10].

Polypectomie des polypes de 6 mm et plus

En cas de pédicule court, on injectera dans le pied pour augmenter la pédiculisation. On enserrera le pied du polype en gardant une marge de tissu sain entre l’anse et la base adénomateuse. Pour les polypes pédiculés de plus de 15 mm, et pour ceux dont le pédicule a un diamètre supérieur à 5 mm, le risque hémorragique précoce et retardé est augmenté (2,8 % à 10 % des cas [11,12]). On effectuera au préalable une manoeuvre pour limiter les risques de saignement. Les techniques validées sont la mise en place d’une anse largable autour du pied du polype avant la résection et l’injection dans le pied du polype de 2 à 5 mL de sérum salé isotonique additionné d’adrénaline au 1/10 000e [13-17]. Ces techniques diminuent significativement le risque d’hémorragie précoces et retardées pour les polypes pédiculés de plus de 1 cm [14, 16, 17]. Pour les polypes pédiculés de plus de 2 cm, il est préférable d’utiliser l’anse largable ou de coupler les deux techniques [14]. Pour les polypes sessiles, l’injection de sérumadrénaliné diminue significativement la fréquence des hémorragies précoces (de 9,2 % à 1,3 %), sans modifier le risque de saignement retardé [18]. Il n’existe pas de preuve de l’efficacité préventive des hémorragies retardées par la pose de clip sur l’ulcère post-polypectomie [19].

Le traitement curatif d’une hémorragie immédiate ou retardée se fait par l’application de clip hémostatique et/ ou par l’injection de sérumadrénaliné. Aucune donnée ne permet de privilégier l’une des deux méthodes ni de conseiller d’associer les deux.

Mucosectomie des polypes de 6 mm et plus

Un ou plusieurs fragments ?

Idéalement, on va réaliser une exérèse en un fragment et avec des marges de tissu sain en profondeur et latéralement (résection R0). C’est le seul moyen de pouvoir préciser à 100 % le risque ganglionnaire éventuel et d’être sûr que la résection est complète et ne justifie pas de contrôle endoscopique précoce ou de traitement complémentaire. En pratique il est souvent impossible pour les lésions > 2 cm de réséquer en une seule pièce et une résection par fragments est alors nécessaire. Les risques de la résection en fragments sont :

  • qu’une zone de carcinome sous muqueux soit coagulée entre deux morceaux et passe inaperçue ;
  • qu’il persiste du tissu adénomateux en périphérie de la lésion ou entre les fragments réséqués. Ce risque a moins de conséquence et impliquera surtout qu’un contrôle précoce soit effectué pour confirmer que la résection a bien été complète ou pour la compléter (souvent, la coagulation des berges de résection aura fini de détruire le tissu adénomateux) (cf. infra).

Un marquage périphérique par des points d’électrocoagulation (pointe de l’anse, plasma argon) à une distance de 2 mm des bords de la lésion est conseillé essentiellement pour les lésions IIb, car leur limite peut être difficile à cerner après injection sousmuqueuse et/ou quand la coloration disparaît.

L’injection est destinée à surélever la lésion et à constituer un coussinet de sécurité entre la sous-muqueuse et la musculeuse. Le sérum salé isotonique est le produit d’injection de référence. L’ajout d’adrénaline (1 pour 10000) n’a pas fait la preuve de son efficacité dans la prévention des hémorragies, en particulier retardées. L’addition d’un colorant permet théoriquement de s’assurer que le plan de section est passé en zone sous muqueuse, la musculeuse ne prenant pas la coloration. Le bleu de méthylène (2 pour 10000) doit être privilégié. Pour l’indigocarmin, la sécurité d’emploi en sousmuqueux n’est pas démontrée même si aucun accident majeur n’est actuellement décrit. Des solutions alternatives au sérum salé permettent un soulèvement prolongé de la lésion. Ce sont des solutions à base de glycoaminoglycane (hyaluronate de sodium), de dextrose hyperosmolaire à 50 % ou d’hydroxypropyl méthylcellulose [20]. En pratique clinique, le plus utilisé est le hyaluronate de sodiumà 0,25 %qui est commercialisé dans cette indication en France.

En général, on utilisera une aiguille de 0,5 mm de diamètre ou de 0,7 mm pour le hyaluronate de sodium, plus visqueux. On piquera assez vigoureusement l’aiguille dans le tissu avant de se retirer et d’injecter 2 à 3 mL idéalement quand l’aiguille est proche de sortir pour obtenir la surélévation la plus importante en hauteur et la plus limitée en surface. Le volume optimal à injecter s’apprécie endoscopiquement en évitant une injection trop importante qui risque d’effacer le relief de la lésion.

Il est préférable d’éviter de piquer à travers un carcinome :

  • pour une lésion adénomateuse d’allure non cancéreuse il est conseillé :
    • d’injecter au centre de la lésion si elle est résécable en un fragment (moins de 20 mm de diamètre en général) ;
    • d’injecter en périphérie de la lésion quand une résection par fragments est envisagée. On débutera sous le pôle proximal s’il est mal visible (haustration) ou sous le pôle distal si la lésion est bien exposée. Il conviendra de réinjecter pas à pas au fur et à mesure de la résection ;
  • pour une lésion adénomateuse avec suspicion ou probabilité de carcinome, il est conseillé d’injecter en oblique sous la lésion en piquant en tissu sain à la périphérie.

La préhension de la lésion est améliorée en aspirant doucement la lumière digestive avant et au début de la fermeture de l’anse. Un endoscope double canal peut être utile pour les lésions difficiles à exposer. On tirera la lésion au moyen d’une pince à préhension en même temps qu’elle sera encerclée par l’anse.

Si la tumeur présente une zone plus en relief voire nodulaire, il est recommandé d’être particulièrement attentif au soulèvement et à la résection de cette zone car elle correspond souvent au site d’envahissement en profondeur maximal. Si cette zone se soulève mal ou si la résection semble incomplète vers la profondeur, il importe de reconsidérer l’indication de mucosectomie et en cas d’arrêt, de faire des prélèvements qui pourront définitivement orienter vers la chirurgie.

La majorité des hémorragies surviennent lors du geste. Il n’existe pas de facteurs prédictifs. Les opérateurs doivent maîtriser les gestes d’hémostase et disposer du matériel adapté. La mobilisation du patient et l’instillation d’eau à haute pression peuvent être utiles pour mieux exposer le site du saignement. Les techniques d’hémostase sont :

  • l’injection de sérum additionné d’adrénaline (1/10000) ;
  • les clips ;
  • la pince coagulante (refermée sur le vaisseau ou appliquée sur la zone d’hémorragie). Il n’y a pas d’argument publié permettant de recommander telle ou telle méthode. On conseille habituellement d’utiliser l’injection de sérumadrénaliné pour arrêter ou diminuer l’hémorragie avant la mise de clips ou l’électrocoagulation. L’électrocoagulation au plasma argon est contre indiquée au niveau de la plaie de la mucosectomie. Il n’a pas été pour l’instant démontré que la fermeture préventive de l’ulcération après mucosectomie diminue la fréquence des hémorragies retardées.

Le risque perforatif est faible, variant de 0,2 à 0,5 %. Le traitement d’une perforation, si elle est diagnostiquée lors de la mucosectomie, peut faire appel à une méthode endoscopique (clips) mais il sera indispensable de réaliser un scanner (pour juger de la présence ou non de liquide intrapéritonéal) et de prendre un avis chirurgical. C’est alors le chirurgien qui assume la responsabilité de la surveillance du patient.

Analyse histologique

L’examen anatomopathologique doit faire l’objet d’un compte-rendu reprenant l’ensemble des critères utiles pour adapter la décision thérapeutique complémentaire ou le suivi. On constate encore trop souvent que des éléments indispensables au choix sont absents. Le plus souvent, cela résulte d’une mauvaise présentation de la pièce (non étalée, pied non repéré) ou d’une insuffisance de précision de l’anatomopathologiste. Dans tous les cas, cela justifie que l’on s’accorde avec son correspondant.

Analyse histologique

Elle débute en salle.

Le risque de métastases ganglionnaires est fonction du niveau d’envahissement pariétal par le cancer. L’analyse de la lésion est donc décisive. Cette analyse sera plus ou moins fiable en fonction de la qualité de la pièce. Une analyse optimale signifie que l’analyse histologique de la pièce permet de conclure à une résection R0 en affirmant en particulier la profondeur maximale d’envahissement.

  1. Privilégier une résection en un fragment :
    C’est habituellement simple pour les lésions pédiculées. Pour les polypes les plus volumineux (> 3 cm), il sera cependant parfois nécessaire de couper dans la tête du polype pour mieux exposer le pied. Quand cette option ne peut être évitée, il faut limiter au maximum le nombre de fragments et bien les identifier pour la lecture ultérieure en mettant en particulier le pied dans un flacon séparé.
    Pour les lésions non pédiculées réséquées en fragments, on s’attachera à bien récupérer l’ensemble des fragments. Quand les fragments sont multiples en situation cæcale ou colique droite, il faudra récupérer les plus volumineux et ceux correspondant aux zones endoscopiquement les plus suspectes.
  2. Repérer la base de section :
    Pour les polypes de moins d’1 cm on ne prendra pas de précautions particulières.
    Pour les polypes pédiculés de plus de 1 cm, on repérera la tranche de section par un fil, par une aiguille plantée dans le pied ou en fixant le pied sur un support avant la mise dans le milieu conservateur.
    Pour les polypes de plus de 1 cm réséqués par mucosectomie, la pièce doit être étalée. Cela peut se faire en l’épinglant sur un support (plastique ou liège) ou en la plaçant dans une cassette d’inclusion (disponible au Laboratoire d’anatomie pathologique) ou dans un papier-filtre fermé par des trombones. En cas de résection par fragments, les morceaux supérieurs au centimètre doivent être étalés et mis dans un flacon spécifique. Les fragments < 1 cm peuvent être réunis dans le même flacon.

Réponse de l’anatomopathologiste

Elle doit être précise et complète.

Idéalement, la réponse sera basée sur la classification de Vienne [2]. Elle assure en effet la meilleure reproductibilité inter-observateur et permet une codification de la prise en charge des lésions (chirurgie complémentaire ou surveillance). Néanmoins, celle-ci est peu passée dans les moeurs probablement en partie car elle est incomplète et qu’il faut la coupler avec des éléments définis lors de la conférence de consensus sur les cancers du côlon.

La préparation de la pièce doit permettre de préciser, en cas de transformation maligne, le niveau d’infiltration du contingent carcinomateux par rapport à la musculaire muqueuse et la distance du front tumoral à la limite de résection. Cela suppose pour les lésions non pédiculées un découpage de la lésion en bandes parallèles, une analyse de chaque bande sur toute sa longueur et hauteur, une mesure micrométrique de la hauteur d’envahissement pariétal par rapport à la musculaire muqueuse, lorsque celle-ci est totalement ou partiellement persistante.

Les éléments nécessaires pour choisir entre surveillance (et à quel rythme) ou chirurgie complémentaire sont :

  • le caractère adénomateux ou hyperplasique ;
  • le degré de dysplasie ou de néoplasie (classification de Vienne) ;
  • la présence d’un contingent villeux > 25 %.

En cas de cancer on attendra une réponse supplémentaire sur :

  • la différentiation tumorale ;
  • l’existence d’emboles lymphatiques ou vasculaires ;
  • l’analyse de la zone de résection et la précision sur la marge de sécurité en tissu sain (< ou = 1 mm) en profondeur pour tous les polypes et latéralement pour les polypes non pédiculés.
  • l’existence d’une atteinte de la sous-muqueuse (catégorie 5 de la classification de Vienne) et son importance (limitée ou non au 1/3 supérieur du pied en cas de lésion pédiculée et < ou non à 1000 µm en cas de lésion 0-Is ou 0-II) ;
  • l’analyse du front d’invasion (disloquée (« budding ») ou non) en cas de lésion non polypoïde.

Prise en charge et suivi après résection

La décision sera basée sur le résultat anatomopathologique et sur le contrôle endoscopique précoce si le caractère complet de la résection a été endoscopiquement douteux ou si la résection a été effectuée par fragments. En cas de présence d’un foyer de cancer, la présentation du dossier en réunion de concertation pluridisciplinaire sera toujours conseillée.

En cas de résection R0

La surveillance endoscopique habituelle pourra être envisagée :

  • pour toutes les lésions sans cancer ou avec du cancer au maximum intramuqueux ;
  • pour les lésions avec envahissement sous-muqueux présentant l’ensemble des critères de sécurité. Ces critères varient cependant suivant les recommandations et en fonction de la prise ou non en compte des critères japonais [21]. On validera systématiquement en réunion de concertation le choix fait. Les critères le plus souvent retenus sont : absence de foyer de carcinome indifférencié, absence d’embole vasculaire et lymphatique, limites de résection saine avec une marge de sécurité supérieure à 1 mm, envahissement sous-muqueux limité au 1/3 supérieur de la tête pour les lésions polypoïdes et à 1000 µm pour les lésions non polypoïdes, absence de dislocation du front d’invasion pour les lésions non polypoïdes.

La chirurgie sera envisagée pour les lésions avec envahissement sousmuqueux ne présentant pas l’ensemble des critères de sécurité ou n’ayant pas été analysées histologiquement selon les critères définis (cf. supra).

En cas de résection non R0

Un contrôle endoscopique précoce sera envisagé :

  • en l’absence de cancer intramuqueux sur les fragments réséqués ou si la zone de cancer reste à plus de 1 mm des bordures de la pièce. Le risque qu’un envahissement sous-muqueux ait été coagulé peut alors être considéré comme négligeable ;
  • en cas de persistance de tissu résiduel au contrôle un traitement complémentaire endoscopique pourra se discuter en tenant compte du risque chirurgical du patient, de l’aspect macroscopique du résidu et de l’analyse histologique initiale. Une mucosectomie complémentaire à visée R0 sera privilégiée (techniquement possible 8 fois/10). Une destruction avec électrocoagulation au plasma argon pourra se discuter après des biopsies si la mucosectomie n’est pas techniquement faisable.

Une chirurgie complémentaire doit être discutée si du cancer au moins intramuqueux existe au contact d’une zone de résection.

Conclusion

Une exérèse endoscopique de qualité des polypes colorectaux repose sur plusieurs piliers :

  • une bonne connaissance de la classification endoscopique de Paris ;
  • une bonne expertise des gestes pratiqués (polypectomie et mucosectomie) et de la gestion de l’hémorragie ;
  • une bonne coopération avec son anatomopathologiste ;
  • l’utilisation systématique des réunions de concertation pluridisciplinaire en cas de résection de lésions comportant un foyer carcinomateux ;
  • l’acceptation des limites que l’on s’accorde et le recours à un centre expert en cas de lésions délicates mais curables endoscopiquement.

Le niveau d’expertise des endoscopistes s’élèvent régulièrement et l’on peut espérer que les indications de colectomie excessives continuent à diminuer des les années à venir. Ce sera le meilleur moyen de pérenniser l’endoscopie comme l’arme principale de la prévention du cancer colorectal.

Références

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Les 5 points forts

  • L’exérèse des polypes entre 3 et 5 mm de diamètre doit être, de préférence, réalisée à l’anse froide par aspiration-décapitation ou à la pince à biopsie associée à une méthode de destruction.
  • La polypectomie s’adresse aux polypes pédiculés (Ip) quelle que soit leur taille et aux polypes sessiles (Is) de 6 à 9 mm.
  • Une méthode préventive d’hémostase est recommandée pour les polypes pédiculés ayant une tête de plus de 15 mm ou un pied de plus de 5 mm.
  • La mucosectomie s’adresse aux lésions sessiles de plus de 9 mm (Is) et aux lésions planes (type II).
  • Le soulèvement de la lésion au moment de l’injection est le signe le plus fiable de l’absence d’extension de la lésion au plan sous-muqueux. L’absence de soulèvement doit conduire à l’arrêt du geste.