Le syndrome hépato-rénal

Introduction

» L'insuffisance rénale : une complication sévère de la cirrhose

Bien que son incidence exacte soit mal connue, l'insuffisance rénale est une complication fréquente de la cirrhose surtout au décours d'une hé­morragie digestive, d'une infection du liquide d'ascite ou de l'administration de médicaments néphrotoxiques tels que les aminosides ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Toutes les variétés d'atteintes rénales peuvent être observées, mais la plus redoutée reste le SHR, insuffi­sance rénale ayant un pronostic très péjoratif.

L'influence délétère de l'insuffisance rénale sur la survie des patients cirrhotiques est un fait établi. A titre d'exemple, l'insuffisance rénale est un facteur prédictif indépendant de la mortalité au décours d'une hémorragie digestive par rupture de varices sophagiennes. Plus récemment, son influence pronostique a été confirmée lors du développement du score pronostique de MELD, score basé sur des paramètres objectifs, re­productibles et rendant compte d'une échelle de gravité continue de l'insuffisance hépatocellulaire. Le score MELD combine 3 variables pro­nostiques indépendantes : le taux de créatinine, l'INR et le taux de bilirubine. La mise au point du score MELD faisait suite à une recomman­dation de l'UNOS ayant pour objectif de rationaliser l'attribution des greffons qui jusqu'à février 2002 se faisait selon le degré d'insuffisance hépatocellulaire déterminé par le score de Child-Pugh puis selon le délai d'attente sur liste de transplantation. Les premiers greffés étaient donc les premiers inscrits qui n'étaient pas nécessairement les plus graves. La capacité du MELD à prédire la mortalité sur liste de pré transplanta­tion a été confirmée dans une étude de 311 patients en attente de greffe [1]. Ainsi depuis le mois de février 2002, le MELD a remplacé le Child-Pugh dans l'attribution des greffons hépatiques aux Etats-Unis. La formule du score MELD prenant en compte le taux de créatinine est un argument supplémentaire en faveur de l'influence pronostique majeure de l'insuffisance rénale chez les patients cirrhotiques.

 

» Critères diagnostiques du syndrome hépatorénal (SHR)

Le SHR est une insuffisance rénale observée uniquement chez les patients ayant conjointement une insuffisance hépatique et une hyperten­sion portale. Bien que la description princeps du SHR date d'au moins 50 ans, sa pathogénie et son histoire naturelle sont restées longtemps mal connues.

Afin d'améliorer la qualité des études et la prise en charge des patients, l'International Ascites Club a clairement défini les critères diagnos­tiques du SHR ainsi que ceux permettant de le répertorier en type I ou II. Les critères diagnostiques ont été classés en critères majeurs et mi­neurs.

Les critères majeurs, indispensables au diagnostic de SHR, sont les suivants :

une insuffisance hépatique chronique ou aiguë associée à une hypertension portale ;

une filtration glomérulaire effondrée avec un taux de créatinine > 15 mg/l (133 µmol/l) ou une clairance de la créatinine < 40 ml/mn ;

l'absence de situations potentiellement responsables d'une nécrose tubulaire aiguë telles qu'un état de choc, des pertes liquidiennes exces­sives, une infection bactérienne évolutive ou une prise de médicaments néphrotoxiques ;

l'absence d'amélioration de la fonction rénale après un remplissage par 1,5 litres de sérum salé isotonique ;

une protéinurie < 0,5 g/24 heures et une échographie rénale normale. Les critères mineurs sont :

une diurèse < 500 ml/24 heures ;

natriurèse < 10 mmol/24 heures ; osmolarité urinaire > osmolarité plasmatique ;

hématurie < 50 éléments /mn 3 ;

natrémie < 130 mmol/l ; Le SHR de type I est défini par une élévation en moins de 15 jours de la créatinine jusqu'à un taux supérieur à 221 µmol/l (25 mg/l) ce qui cor­respond le plus souvent à une augmentation de plus de 100 % par rapport au chiffre initial. En l'absence de ces critères, le SHR est de type II avec un taux de créatinine généralement inférieur à 221 µmol/l. En cas de SHR de type I, le débit de filtration glomérulaire est < 20 ml/mn et le taux moyen de créatinine approximativement à 356 µmol/l à l'inverse du SHR de type II où débit de filtration glomérulaire et taux moyen de créatinine sont aux environs de 40 ml/mn et de 178 µmol/l.

Une meilleure compréhension du syndrome hépatorénal

» Pathogénie du SHR

Le SHR résulte d'un effondrement de la perfusion rénale lié aux effets conjoints d'une intense vasoconstriction des artères rénales et d'une di­minution du débit sanguin rénal faisant suite à une vasodilatation artérielle des territoires splanchniques et systémiques. La vasodilatation splanch­nique, induite par la sécrétion excessive de substances vasodilatatrices telles que le NO, est l'événement initial responsable d'un phénomène de sous remplissage relatif des territoires artériels puis d'une hypotension artérielle. Dans un deuxième temps, il survient une activation des sys­tèmes vasoconstricteurs (système rénine-angiotensine, adrénaline et noradrénaline, vasopressine, endothéline) ayant pour objectif une restau­ration de l'état hémodynamique. Ces systèmes vasoconstricteurs provoquent une diminution de la perfusion rénale et du débit de filtration glo­mérulaire sans altération des fonctions tubulaires, à l'inverse de ce qui est observé dans la nécrose tubulaire aiguë. L'activation des systèmes vasoconstricteurs est aussi impliquée dans les rétentions de sel (système rénine-angiotensine, adrénaline et noradrénaline) et d'eau libre (hor­mone antidiurétique).

Bien que les mécanismes ne soient pas complètement élucidés, il est admis que l'hypertension portale tient un rôle majeur dans le développe­ment des anomalies hémodynamiques décrites précédemment. Chez l'animal, l'hypertension portale induite par la perfusion intra hépatique de glutamine provoque un phénomène réflexe sympathique responsable d'une diminution précoce du débit sanguin rénal et de la filtration glo­mérulaire [2]. L'effet bénéfique du TIPS chez les patients avec SHR ou à l'inverse, la diminution précoce du débit sanguin rénal observée après occlusion du TIPS par un ballon sont les démonstrations récentes de la contribution directe de l'hypertension portale dans la pathogénie du SHR [3-5]. Par ailleurs, la sévérité de l'insuffisance hépatocellulaire intervient aussi dans la pathogénie du SHR car le SHR survient essentiel­lement chez les patients ayant une insuffisance hépatocellulaire sévère et guère chez ceux présentant une altération modérée de la fonction hépatique [6].

 

» Histoire naturelle du SHR

Rarement observé en l'absence de facteur déclenchant, le SHR se développe le plus souvent au décours d'une dysfonction circulatoire avec hypoper­fusion rénale. Les causes les plus fréquentes sont une infection bactérienne, une hémorragie digestive ou une paracentèse de grande abondance non compensée par une perfusion de soluté de remplissage [6]. Parmi les infections bactériennes, l'infection du liquide d'ascite est la seule pour laquelle une relation chronologique d'imputabilité avec le SHR soit clairement établie [7]. Près de 20 % des patients atteints d'infection du li­quide d'ascite développent un SHR, de type I le plus souvent [7]. Un SHR est observé chez 15 % des patients ayant subi une paracentèse supé­rieure à 5 litres non compensée par une perfusion de soluté de remplissage [8]. Bien que 10 % des épisodes d'hémorragie digestive soient res­ponsables d'insuffisance rénale, il est difficile d'appréhender réellement l'incidence du SHR du fait de la difficulté à le différencier parfois d'une nécrose tubulaire aiguë [9]. Enfin, il n'existe aucun argument solide pour retenir comme étiologie possible de SHR, la déplétion volémique in­duite par un abus de diurétiques ou des pertes liquidiennes extra rénales [6, 10].

Le SHR est la complication de la cirrhose ayant le plus mauvais pronostic. La guérison spontanée du SHR est exceptionnelle et doit faire re­mettre en cause le diagnostic. Le type de SHR a une influence pronostique importante. La médiane de survie du SHR de type I est de 15 jours tandis que celle du type II est de 6 mois [10-12]. L'autre facteur pronostique important est le degré d'insuffisance hépatocellulaire. Les patients avec SHR décèdent principalement d'infections bactériennes sévères telles qu'une septicémie, une infection de liquide d'ascite ou une pneu­mopathie [13]. L'insuffisance rénale autant que le dysfonctionnement hépatique sont impliqués dans cette sensibilité exacerbée aux infections [10-12].

 

» Stratégie diagnostique du SHR

Dans un premier temps, la possibilité de pertes liquidiennes doit être recherchée, les diurétiques interrompus et un test de remplissage réalisé par administration intraveineuse de 1,5 litres de sérum salé isotonique. Des prélèvements infectieux multiples sont indispensables avant la prise en charge spécifique du SHR. En effet, le traitement d'une infection méconnue permet le plus souvent une amélioration de la fonction rénale et le diagnostic de SHR ne peut être retenu que si l'insuffisance rénale persiste en dépit d'un traitement efficace de l'infection.

Cependant, la différenciation du SHR d'une nécrose tubulaire aiguë reste difficile car la concentration urinaire de sodium est de peu d'utilité. Un panel d'experts a préconisé de retenir le diagnostic de nécrose tubulaire aiguë quand l'insuffisance rénale survient au début du choc sep­tique ou au décours immédiat de la prise de médicaments néphrotoxiques [14]. Le caractère subjectif de ce critère rend prioritaire le dévelop­pement de tests diagnostiques spécifiques du SHR pour permettre un meilleur diagnostic différentiel de SHR et de nécrose tubulaire aiguë.

 

Traitement préventif du syndrome hépatorénal

» Infection du liquide d'ascite

Une étude contrôlée randomisée de 126 malades avec infection de liquide d'ascite a montré une réduction du risque de SHR (10 % vs 33 %, p = 0,002) et de la mortalité à 3 mois (22 % vs 41 %, p = 0,03) dans le groupe traité par l'association céfotaxime et expansion volémique par perfusion d'albumine par rapport au groupe traité par céfotaxime seul [15]. Le protocole de perfusion d'albumine comportait 1,5 g/kg le jour du diagnostic puis 1 g/kg à la quarante-huitième heure. L'activité rénine plasmatique diminuait plus rapidement chez les patients traités par l'association céfotaxime et expansion volémique par perfusion d'albumine. L'analyse de sensibilité sur l'ensemble des patients de l'étude, ré­vélait que l'incidence du SHR était inférieure à 5 % si les taux de créatinine était < 10 mg/l (88 µmol/l) et de bilirubine < 40 mg/l (70 µmol/l) [15]. Ce dernier résultat suggère que l'expansion volémique puisse être réservée aux patients présentant soit un taux de bilirubine > 40 mg/l soit un taux de créatinine > 10 mg/l.

 

» Hémorragie digestive et paracentèses abondantes

Après une hémorragie digestive par rupture de varices sophagiennes, les études randomisées et une méta-analyse ont clairement démontré que l'antibio-prophylaxie diminuait les risques de décès et d'infection du liquide d'ascite et par voie de conséquence celui de SHR [16]. Le schéma le plus simple et le moins coûteux recommandé par la dernière réunion de consensus française de l'hypertension portale est la norfloxacine

400 mg × 2/jour per os pendant 7 jours. Après paracentèse > 2 litres, l'expansion volémique par des solutés de remplissage diminue le risque de dysfonction circulatoire et doit être systématiquement réalisée [10, 17]. Pour les paracentèses > 5 litres, l'expansion volémique réduit le risque de développer un SHR et l'albumine serait supérieure aux autres substances colloïdes [8, 10, 17, 18].

 

» Hépatite alcoolique aiguë grave

La corticothérapie améliore la survie à court terme des patients atteints d'HHA sévère [19]. Une étude récente a évalué l'intérêt pronostique de la réponse biologique précoce (définie par un taux de bilirubine à J7 inférieur à celui du premier jour de traitement) chez 238 patients atteints d'hépatite alcoolique sévère [20]. Les corticostéroïdes induisaient une réponse biologique précoce dans 76 % des cas. La survie des patients avec réponse biologique précoce était significativement supérieure à celle des patients sans réponse biologique précoce à 1 et 2 mois : 97 ± 1 % vs 59 ± 7 %, 93 ± 2% vs 40 ± 7 %, p < 0,001. Chez les patients avec réponse biologique précoce, aucun SHR n'était observé [20]. En conséquence, il est vraisemblable que la corticothérapie puisse diminuer le risque de SHR.

Une étude randomisée en double aveugle a comparé la pentoxifylline (1 200 mg par jour) au placebo chez 101 patients atteints d'une forme sévère d'hépatite alcoolique aiguë. A 6 mois, le taux de survie du groupe pentoxifylline était significativement supérieur à celui du groupe pla­cebo : 75,5 % vs 54 %, p = 0,04 [21]. L'amélioration de la survie chez les patients traités par pentoxifylline était liée principalement à une pré­vention du SHR : 8 % vs 35 %. Il sera utile d'évaluer la pentoxifylline par rapport à la corticothérapie et de tester le bénéfice de leur associa­tion.

 

Traitement curatif du SHR

Durant la dernière décennie, le pronostic du SHR a été considérablement amélioré par l'utilisation de drogues vasoactives. La réponse au trai­tement définie par une normalisation ou une diminution supérieure à 20 % de la créatinine est devenue un déterminant pronostique majeur de la survie à court terme [22-25]. Au préalable, aucune modalité thérapeutique du SHR actuellement considérée comme efficace n'a été évaluée dans le cadre d'études randomisées. La plupart des données proviennent d'études pilotes chez des patients avec SHR de type I.

» Les modalités thérapeutiques inefficaces

L'hémodialyse n'améliore pas la survie des patients atteints de SHR ; elle est souvent mal tolérée sur le plan hémodynamique et ne peut être recommandée [6]. Il n'existe aucun argument pour l'utilisation de la dopamine, des prostaglandines [26] ou des antagonistes des récepteurs de l'endothéline [6]. L'octréotide en monothérapie était dénué d'effet sur le SHR dans une étude randomisée de 19 patients avec crossover [27].

 

» Les traitements vasoconstricteurs

MIDODRINE

Chez des patients avec ascite, l'administration orale de midodrine, agoniste a adrénergique, en monothérapie augmente la tension artérielle et les résistances artérielles périphériques, diminue l'activité rénine plasmatique, les taux de NO mais est sans effet sur la clairance de créatinine, le débit de filtration glomérulaire et la diurèse [28]. Cependant, dans des modèles animaux, il avait été noté une diminution de la sensibilité des artères périphériques aux substances endogènes, médiée en partie par le glucagon [29]. L'octréotide, inhibiteur de la sécrétion du glucagon, rétablit en partie la réactivité des artères aux substances vasoconstrictrices [30]. Prenant en compte ces données expérimentales, une équipe a testé la midodrine en combinaison à une expansion volémique par albumine et à l'octréotide et observé : a) une diminution de l'activité rénine plasmatique et des concentrations plasmatiques de l'aldostérone et de l'hormone antidiurétique ; b) une amélioration de l'hémodynamique sys­témique et rénale et du débit de filtration glomérulaire. Le SHR s'améliorait chez 60 % des patients traités par l'association midodrine-albu-mine-octréotide ; à l'inverse, aucune amélioration n'était observée chez 90 % des patients contrôles traités par dopamine et albumine [23].

NORADRÉNALINE

Dans une étude de 12 patients avec SHR de type I, l'administration en perfusion continue de noradrénaline (0,5-3 mg/h) en association avec une expansion volémique par perfusion d'albumine entraînait : a) une réduction de l'activité rénine plasmatique de 565 ± 989 à 164 ± 196 ng/l et de la concentration plasmatique d'aldostérone de 1945 ± 1931 à 924 ± 730 ng/ml ; b) une diminution du taux de créatinine de 358 ± 161 à 141 ± 78 µmol/l ; c) une augmentation de la clairance de la créatinine de 13 ± 9 à 40 ± 15 ml/ min et de la natriurèse de 8 ± 14 à 52 ± 72 mmol/j ; et d) une régression complète du SHR chez 10 patients [22]. Un patient a présenté un épisode d'ischémie myocardique réversible après dimi­nution de la dose de noradrénaline. La survie à 2 mois était de 58 %.

ORNIPRESSINE

L'ornipressine a été évaluée dans 3 études pilotes ayant observé son efficacité dans le SHR de type I. Chez 7 patients, la perfusion continue de 6 UI/h d'ornipressine associée à celle de 2-3 µg/kg/mn de dopamine a permis une amélioration de la fonction rénale chez 5 d'entre eux [31]. L'association de vasopressine (6 UI/h) et d'albumine (1g/kg le premier jour puis 20-60 g/jour) a été évaluée chez 16 patients avec SHR de type I [32]. Cette étude observait qu'une durée de traitement de 15 jours était plus efficace qu'une durée de 3 jours. Une normalisation de la créati­nine était observée chez 50 % des patients traités pendant 15 jours et la survie à 1 mois était de 62,5 %. Cependant, dans 50 % des cas, l'orni-pressine a dû être interrompue en moyenne au bout de 6 jours (extrêmes : 4-9 jours), en raison principalement d'accidents ischémiques.

TERLIPRESSINE

Chez des patients avec SHR de type I ou II, l'administration intraveineuse de terlipressine améliore la fonction rénale et pourrait être utilisée en attente d'une transplantation [6, 24, 25, 33-36]. Dans une étude randomisée avec cross-over, 12 patients avec SHR de type I traités par ex­pansion volémique par perfusion d'albumine ont été randomisés pour recevoir soit du placebo soit 2 mg de terlipressine. Les paramètres ré­naux restaient inchangés pendant la période de traitement par placebo. A l'inverse, pendant la période de traitement par terlipressine, la clai­rance de la créatinine augmentait de 15 ± 2 ml/min à 26 ± 4ml/min et la diurèse de 628 ± 67 ml/j à 811 ± 76 ml/j tandis que le taux plasma­tique de rénine diminuait de 231 ± 66 à 112 ± 38 pg/ ml et celui d'aldostérone de 1352 ± 33 à 1098 ± 413 pg/ml [34]. A l'inverse, la na­triurèse restait inchangée [34]. Dans une étude préliminaire de 18 patients, l'amélioration de la fonction rénale était observée dans 72 % des cas [24]. Par ailleurs, la combinaison de la terlipressine (0,5-2 mg/4 heures) avec une expansion volémique par perfusion d'albumine permet une normalisation de la créatinine plus fréquemment que la terlipressine seule : 77 % vs 25 % [35]. Dans une étude rétrospective multicen­trique française de 99 patients avec SHR de type I, l'administration de 3 mg de terlipressine pendant en moyenne de 11,4 jours a permis une amélioration de la fonction rénale dans 60 % des cas [25]. La survie à 2 mois des patients répondeurs à la terlipressine était significativement supérieure à celle des patients non répondeurs : 48 % vs 0 % [25]. Comme observée dans une étude précédente [36], la tolérance du traitement était correcte.

SHUNT PORTO – CAVE INTRAHÉPATIQUE TRANSJUGULAIRE (TIPS)

Des études récentes ont évalué le TIPS dans le SHR [5, 37, 38]. Le rationnel ayant conduit à cette évaluation sont les diminutions de pression portale et d'activité des systèmes vasoconstricteurs et l'augmentation de la filtration glomérulaire observées chez 60 % des patients ayant une ascite réfractaire traitée par TIPS [6, 11]. Ces études ont observé que la médiane de survie des patients avec SHR traités par TIPS était de 4,1 mois. Cependant, peu de patients avec SHR peuvent être candidats au TIPS car beaucoup ont des contre-indications: bilirubine > 15 mg/dl (250 µmol/l), score de Child = 12 ou présence d'une encéphalopathie. Le TIPS pourrait être proposé en association à un traitement médical du SHR. En effet, dans une étude de 14 patients avec SHR de type I, les investigateurs ont, dans un premier temps, traité tous les patients par un trai­tement vasoconstricteur (midodrine, octréotide et albumine) et dans un deuxième temps, mis en place un TIPS uniquement chez les répondeurs n'ayant pas de contre-indications à celui-ci [38]. Une amélioration de la créatinine était observée chez 10 patients avec une diminution de la créatinine de 233 µmol/l à 113 µ mol/l. Le TIPS a été inséré chez 5 répondeurs et permis une diminution du gradient de pression sus-hépatique de 16,6 ± 0,6 à 7,8 ± 1,8 mm Hg, une amélioration de la clairance de la créatinine de 25 à 96 ml/min et de la natriurèse de 10 à 119 mmol/j.

 

» Transplantation hépatique

En dépit d'une amélioration importante de la fonction rénale, la survie des patients répondeurs aux traitements vasoconstricteurs reste faible. Le SHR a été longtemps considéré comme une contre-indication de la transplantation hépatique en raison d'une mortalité élevée et d'un taux excessif d'insuffisance rénale organique en postopératoire. La transplantation au décours d'un épisode de SHR, sous réserve de taux acceptables de morbidité et mortalité, pourrait être une option thérapeutique attractive. Une équipe a comparé l'évolution de transplantés ayant présenté un SHR de type I sensible au traitement vasoconstricteur à celle de transplantés indemnes d'insuffisance rénale [39]. Vingt-deux patients avec SHR ont été traités prospectivement par terlipressine et expansion volémique par perfusion d'albumine. Seize (76 %) patients étaient répon­deurs dont 9 ont été transplantés en médiane dans les 26 jours (extrêmes : 1-208 jours). Le taux de créatinine était de 240 µmol/l au début du SHR et de 114 µmol le jour de la transplantation. Les neuf patients avec SHR ont été comparés à des contrôles appariés sur l'âge, le sexe, la pé­riode de transplantation hépatique et le type immunosuppression. Il n'existait aucune différence significative entre le groupe SHR et le groupe contrôle en terme de survie à 3 ans (100 % vs 83 %), d'insuffisance rénale 22 % vs 30 %), d'infections sévères (22 % vs 33 %), et de durée de séjour hospitalier (27 jours vs 31 jours) [39].

 

Conclusion

Le SHR est une des complications les plus sévères de la cirrhose décompensée. En l'absence de traitement, le pronostic est très péjoratif [6, 10­12]. Durant la dernière décennie, le pronostic du SHR a été considérablement amélioré par les progrès thérapeutiques réalisés tant sur le plan préventif que curatif [6, 10-12]. Il est maintenant admis que l'expansion volémique par perfusion d'albumine diminue le développement du SHR après paracentèses abondantes et plus récemment, dans l'infection du liquide d'ascite. Chez des patients avec SHR de type I ou II, un trai­tement vasoconstricteur (terlipressine, noradrénaline ou midodrine-octréotide) associé à une expansion volémique par perfusion d'albumine améliore la fonction rénale dans approximativement 70 % des cas. La vasopressine a été abandonnée en raison d'une tolérance médiocre. Cependant, la survie des patients répondeurs aux traitements vasoconstricteurs reste faible. Chez ces patients, des approches combinant le TIPS ou la transplantation hépatique pourraient améliorer la survie à long terme.

 

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