Migraine et gastro-entérologie

Les critères diagnostiques de la migraine ont été redéfinis en 2004 par l’International Headache Society (IHS) [1]. Tenant compte de la présence de tous les critères, ou de l’absence d’un seul, la prévalence de la migraine dans la population générale s’établit de 8 à 17 % [2].

La discussion d’une éventuelle relation entre cette affection et l’hépato-gastro-entérologie est ancienne et repose sur diverses constatations avant tout cliniques :

aversion alimentaire, nausées, into­lérance gastrique apparaissant souvent dès le début de la crise et se prolon­geant pendant la phase céphalalgique de la crise jusqu’aux vomissements, vomissements biliaires répétés entre­coupés de hoquets dans les formes sé­vères, parfois accompagnés de dou­leurs abdominales et de diarrhée ;
allégation fréquente de troubles dys­peptiques chez les migraineux en dehors des crises ou au début de celles-ci ;
description par les patients du rôle favorisant des excès alimentaires, des écarts de régime, et de certains ali­ments ou boissons.
Ces divers éléments avaient amené nombre d’anciens auteurs à décrire la « crise de foie » comme un équivalent de la migraine, la « migraine diges­tive », la « dyskinésie biliaire » du mi­graineux, et ainsi à pratiquer des tu­bages biliaires, voire proposer la cholécystectomie comme traitement préventif de cette affection. En fait, dans l’état actuel de nos connaissances, les phénomènes digestifs qui existent bien lors des crises sont non la cause mais la conséquence de la migraine.

 

 

Physiopathologie de la migraine

Au cours de ces 15 dernières années, l’apparition d’une classification inter­nationale des céphalées et de la mi­graine, donc l’étude de groupes ho­mogènes de patients, a permis le développement des essais thérapeu­tiques contrôlés, les travaux sur la phy­siopathologie de cette affection, no­tamment ceux sur l’étude des débits sanguins cérébraux, la description du système trigémino-vasculaire, celle des récepteurs à la sérotonine, ainsi que les études génétiques. L’utilisation de l’IRM fonctionnelle et de la PET ont également conduit à établir la théorie neurovasculaire actuellement reconnue [3].

Cette théorie permet d’intégrer les 3 phases classiques de la crise que sont :

  • la phase prodromique (symptômes survenant de quelques heures à deux jours avant la crise, marqués par une fatigue, des nausées, des bâillements, ou au contraire une excitation, un sen­timent de bien-être) interprétée comme les signes d’un dérèglement hypotha­lamique à l’origine des modifications neuronales ;
  • la phase de l’aura (présente clini­quement dans la migraine avec aura (anciennement appelée migraine ac­compagnée)) qui se caractérise par l’existence de symptômes neurolo­giques localisables au cortex cérébral ou au tronc cérébral, notamment le scotome scintillant se développant gra­duellement en 5 à 20 minutes et du­rant habituellement moins de 60 mi­nutes ;
  • enfin, la phase céphalalgique (liée avant tout à la vasodilatation des vais­seaux carotidiens et surtout des vaisseaux méningés).
    La migraine en l’état actuel des connaissances est une maladie « pri­mitive » touchant le cerveau du mi­graineux. La survenue d’une stimula­tion neuronale étant responsable de la dilatation secondaire des vaisseaux qui, en retour, stimuleront les termi­naisons nerveuses trigéminales péri­vasculaires.

Sous l’effet de nombreux facteurs fa­vorisants, le cerveau du migraineux (hyper-excitable ou hypo-inhibé) ré­agit par la survenue de la crise. Cette stimulation naîtrait à la partie supé­rieure du tronc cérébral (migraine ge­nerator, région du locus coeruleus) comme l’ont visualisé les études en PET mettant en évidence au tout début d’une crise, une activation de cette zone non constatée dans les douleurs non migraineuses. Cette activation per­siste malgré l’utilisation du suma­triptan, agoniste sérotoninergique 5 HT1B-5 HT1D le plus efficace pour le traitement de la crise. L’efficacité de ce produit n’est donc probablement pas liée à une action à ce niveau, mais à son effet sur le système trigémino­vasculaire [3].

L’activation du tronc cérébral condui­rait à l’apparition d’une onde corticale dite de « dépression neuronale enva­hissante » (DNE) ou « spreading depres­sion », correspondant à une excitation neuronale suivie d’une dépression du potentiel membranaire, s’étendant de proche en proche via les neurones sans respecter les territoires vasculaires. Les travaux de BAHRA et al. [4] ont montré que cette DNE débutait au niveau des lobes occipitaux et gagnait vers l’avant les zones pariétales et en profondeur les zones temporales, responsable des troubles visuels, sensitifs, ou de la pa­role, rencontrés dans la migraine avec aura.

Le mécanisme précis du passage du migraine generator à la dépression neu­ronale envahissante n’est pas encore parfaitement connu. La part respective du processus neuronal et du processus vasculaire (vasoconstriction, ischémie) est encore discutée. Quoi qu’il en soit, la dépression envahissante rend bien compte de l’apparition et de l’exten-sion du scotome scintillant puisqu’elle démarre au niveau des lobes occipitaux et avance sur le cortex cérébral à la vitesse de 3 mm par minute.

L’extension de la DNE conduit aussi, vraisemblablement, à une stimulation des structures vasomotrices du tronc cérébral.

Par ailleurs, les vaisseaux en cause dans le processus migraineux s’intè-grent dans le système trigémino-vas-culaire décrit par Moskowitz [3]. Chaque trijumeau comporte des fibres se projetant sur les vaisseaux avant tout méningés. Une stimulation uni­latérale permet alors d’expliquer le caractère unilatéral de la douleur de la crise migraineuse (hémicrânie).

Les modifications de calibre des vais­seaux à type de vasodilatation lors de la céphalée, la stimulation des fibres trigéminées périvasculaires, condui­sent à la libération de nombreux neu­ropeptides (notamment CGRP, SP, NKA) qui accroissent et entretiennent la vasodilatation et sont responsables de l’apparition d’une inflammation sté­rile « neurogène » méningée doulou­reuse [5, 6]. Le mécanisme précis de l’activation du système trigémino-vas-culaire est encore discuté, peut-être s’agit-il du NO libéré lors de la DNE.

L’excitation des fibres trigéminales gagne le noyau principal et spinal du trijumeau, puis la région thalamique, puis le cortex cérébral. Par ailleurs, les connexions au niveau bulbaire avec le centre du vomissement, lui-même soumis aux sollicitations des centres supérieurs, du labyrinthe, et de l’area postrema située dans le plancher du quatrième ventricule, zone sensible aux médiateurs, explique les nausées et vomissements accompagnant la crise.

Les constatations du rôle de la séroto­nine dans les mécanismes sus-indi-qués ont conduit à rechercher les récepteurs particulièrement impliqués dans la crise, les 5HT1B et les 5HT1D, et à démontrer l’efficacité particulière des agonistes 5HT1B/5HT1D pour supprimer la vasodilatation et l’inflam-mation neurogène. Ces produits – trip-tans (très spécifiques des récepteurs 5HT1B et D) et dérivés de l’ergot de seigle (moins spécifiques car possédant également des propriétés ago­nistes sur les récepteurs dopaminer­giques) agissent par leurs effets vasoconstricteurs et inhibiteurs de l’in-flammation neurogène (Tableau I).

Leur effet s’établit par une action sur les récepteurs 5HT1B présents au ni­veau de la paroi des vaisseaux mé­ningés et sur les récepteurs 5HT1D, particulièrement présents sur les fibres terminales du trijumeau. La part res­pective de ces 2 types de récepteurs ne pourra être définie que lorsque des agonistes 5H1B ou 5HT1D spécifiques seront utilisés. Des essais d’agonistes 5HT3 (granisetron) ont amélioré les vomissements mais sont restés sans effet sur la douleur migraineuse [7].

Reste à expliquer l’action favorisante, sur la survenue des crises, de nom­breux facteurs psychologiques, hor­monaux, alimentaires, sensoriels (fortes odeurs, forte luminosité, vent, jeûne, etc.). Leur importante diversité sug­gère plutôt une « hypersensibilité » du cerveau migraineux. Celle-ci paraît d’ordre génétique (notion familiale, études chez les juments, démonstra­tion de gènes candidats).

Actuellement, deux gènes principaux ont été mis en cause, avec certitude, dans une forme rare de migraine, la migraine hémiplégique familiale. Le gène CACNA1A qui code pour la sous­unité alpha 1 des canaux calciques de type P/Q (la migraine serait alors une channelopathie) et le gène ATP1A2 qui code pour la sous-unité alpha 2 de la Na-K ATPase. Pour les autres formes de migraine, aucun gène n’est actuelle­ment certain. Plusieurs locus sur des chromosomes différents [1, 4, 10, 14, 17, 19] ont été publiés mais non confirmés.

TABLEAU I
SYSTÈME TRIGÉMINO-VASCULAIRE

 

 

» Clinique

Le diagnostic de migraine repose sur :

une évolution par crise récurrente séparée par des intervalles libres de toute céphalée,
des caractéristiques sémiologiques particulières,
un examen clinique normal.
Les critères IHS de la migraine sans et avec aura sont indiqués dans le tableau II.

TABLEAU II

 

 

» Les examens complémentaires

Il n’y a pas d’indication à réaliser une tomodensitométrie ou une IRM céré­brale devant une migraine définie selon la classification IHS. En revanche, ces examens peuvent être réalisés chez un migraineux connu mais développant [8] :

une céphalée d’apparition brutale en coup de tonnerre ;
une céphalée récente se différenciant de la céphalée habituelle ;
une anomalie à l’examen clinique.
Il n’y a pas d’indication à réaliser un EEG, des radiographies des sinus, du rachis cervical, un examen ophtalmologique, un examen orthoptique, une échographie abdominale, dans le bilan d’une migraine correspondant aux critères de la classification IHS. Les examens sus-indiqués peuvent être néanmoins utiles dans l’élimination du diagnostic de migraine.

 

» Évaluation du handicap

La migraine est une maladie handicapante sur le plan familial, professionnel, social, en fonction de la fréquence, de la durée et de l’intensité des crises, de la résistance de celles-ci au traitement de crise. La sévérité de la maladie migraineuse peut être quantifiée à l’aide d’échelles (MIDAS, SF36, HIT, etc.) et de la tenue d’un agenda sur lequel le patient note ses crises [8].

On tiendra compte également :

  • de la recherche des facteurs favorisants la survenue des crises conduisant, si cela est possible, à les exclure (sans oublier les médicaments céphalogènes) ;
  • de l’existence de facteurs de co-morbidité :
    • troubles anxieux, dépression, troubles de la personnalité,
    • troubles hormonaux qu’il faudra également traiter.

 

Thérapeutique

La migraine est une maladie sous-estimée, souvent insuffisamment traitée, au cours de laquelle l’auto-médication occupe une place importante. Il est classique d’opposer le traitement de la crise et le traitement de fond préventif.

 

 

» Le traitement de la crise

On distinguera :

  • les traitements non spécifiques que sont les antalgiques et les anti-in-flammatoires non stéroïdiens (avec à l’étude actuellement la possibilité d’uti-liser les coxibs) [9] ;
  • les traitement spécifiques que sont les triptans et les dérivés de l’ergot de seigle utilisés en accord avec la théorie sérotoninergique de la migraine.

De très nombreux traitements non spécifiques sont utilisables : aspirine, paracétamol, seuls ou en association avec du métoclopramide ou d’autres anti-émétiques pour diminuer les troubles digestifs, ou avec de la ca­féine ou des opiacés (codéine, dextro­propoxifène, tramadol, etc.). La prise en grande quantité de ces antalgiques peut entraîner un abus médicamen­teux conduisant à la transformation des crises en une céphalée chronique quotidienne (migraine transformée).

Quant aux traitements spécifiques, l’ANAES [8] a gradé ceux-ci en fonction de « l’Evidence Based Medicine » :

  • triptans (grade A) ;
  • tartrate d’ergotamine (grade B) ;
  • dihydroergotamine par voie pernasale (grade A) ou injectable (grade B).

De plus, l’ANAES recommande d’interroger le patient dès la première consultation sur :

  • le traitement habituel et le soulage­ment que celui-ci lui apporte ;
  • le soulagement ou non 2 heures après la prise, la tolérance ;
  • la notion d’une seule prise médica­menteuse ou de plusieurs ;
  • la reprise rapide des activités ou non.

Si le patient répond non à au moins 1 des 3 dernières questions sus-indi-quées, il est recommandé de prescrire sur la même ordonnance un AINS et un triptan. Il existe des différences d’efficacité et de tolérance entre les différents triptans. Elles sont relative­ment peu importantes [10-12]. Cependant, un patient non répondeur à un triptan peut répondre à un autre. Ces produits sont actifs sur la céphalée mais réduisent également les signes associés (nausées, vomissements, pho­tophobie, sonophobie).

Enfin, avant de conclure à l’inefficacité d’un triptan, il est recommandé de le tester au moins trois fois.

5 triptans sont actuellement commer­cialisés en France :

  • Sumatriptan (IMIGRANE® 50, com­primés et voie nasale, 10-20 mg) ;
  • Zolmitriptan (ZOMIG ® 2,5, ZOMIG ® ORO 2,5) ;
  • Naratriptan (NARAMIG ® 2,5) ;
  • Eletriptan (RELPAX ® 40) ;
  • Almotriptan (ALMOGRAN ® 2,5)

 

» Le traitement de fond

INDICATIONS

On recommande de mettre en place un traitement de fond en fonction [8] : de la fréquence (généralement au-delà de 3-4 crises par mois), de l’intensité et de la durée des crises, en tenant compte du handicap familial, social, profes­sionnel qu’elles entraînent ; enfin, dès que le patient consomme depuis 3 mois ou plus 6 à 8 prises de traitement de crise par mois (même en cas d’effica-cité), afin d’éviter l’abus médicamen­teux par une surutilisation des anti­migraineux de crise, qu’ils soient non spécifiques ou spécifiques [13].

CHOIX DU PRODUIT

De nombreuses molécules sont utili­sables pour le traitement préventif des crises. Le choix reposera sur les effets indésirables, les contre-indications, les interactions des divers produits, les co­morbidités du patient [14]. Pour l’ANAES [8], il est proposé d’utiliser :

  • en première intention, l’un des 4 produits suivants : propranolol, méto­prolol, oxétorone, amitriptyline,
  • en deuxième intention, l’un des 5 produits suivants : pizotifène, flu­narizine, valproate de sodium, gaba­pentine et indoramine.

Le méthisergide est efficace mais comme il expose au risque de fibrose notamment rétropéritonéale, il sera ré­servé aux migraineux sévères. Il doit faire l’objet d’un arrêt tous les 6 mois. La DHE, dont la tolérance est très bonne, est encore largement prescrite et utilisée souvent chez le sujet jeune. La récente étude PROMISE a montré son intérêt.

EVALUATION

Celle-ci ne sera pas faite avant au moins deux, et mieux trois mois. Il faut donc expliquer au patient, pour qu’il accepte ce délai, que l’améliora-tion sera progressive. En cas de trai­tement efficace, celui-ci sera poursuivi à la dose efficace pendant 6 mois à 1 an. Sa posologie sera adaptée à l’évo-lution de la maladie migraineuse. Les traitements non médicamenteux (psy­chothérapie, biofeedback, relaxation) seront envisagés en fonction du profil psychologique du patient.

 

 

Le gastro-entérologue et la migraine

La migraine par son retentissement sur la sphère gastro-intestinale est souvent rencontrée par le gastro-entéro-logue. Elle concerne celui-ci sur différents points :

a) Le traitement des nausées et vo­missements, d’où l’emploi lors de la crise, de métoclopramide, domperi­done ou metopimazine.

b) Le rôle éventuel d’un mécanisme allergique, notamment des facteurs ali­mentaires :
Quelques études suggèrent une plus grande fréquence des pathologies al­lergiques (dermatite atopique, asthme) chez les migraineux mais, de la méta­analyse sur le sujet [15], il ressort que les IgE et autres immunoglobulines ne sont pas modifiés chez ces patients, sauf chez ceux ayant par ailleurs, une pathologie allergique. Une élévation de l’histaminémie totale ou plasma­tique a été parfois rapportée [15, 16]. Son explication n’en est pas claire. L’hypothèse d’une plus grande fré­quence d’une infection à Helicobacter pylori [17] n’a pas été confirmée.
Dans une étude de 1996, les aliments et boissons, facteurs favorisants si­gnalés, étaient : boissons alcoolisées 54 %, chocolat 52 %, aliments gras/frits 29 %, œufs 27 %, mayonnaise 27 %, oignons 13 % [18]. A ce sujet, la re­cherche d’IgE spécifiques pour de nom­breux aliments est restée négative et ne permet donc pas d’établir un lien entre la maladie migraineuse et une allergie IgE dépendante aux aliments [19].
De plus, dans une étude portant sur 11 patients se plaignant de migraine induite par les aliments et 9 autres de migraine non induite, la pratique des biopsies au niveau du 2 e duodénum, et l’étude histologique ainsi que le comp­tage des populations d’immunocytes (IgA, IgM, IgE, IgG) n’a pas montré de différence significative entre les deux groupes [20].

c) La recherche d’une relation maladie migraineuse-troubles fonctionnels in­testinaux (TFI). Quelques études ont comparé la prévalence des TFI dans des populations migraineuses ou contrôle. Holtmann et al. [21] ont ob­servé une prévalence de 38 % de TFI dans le groupe donneurs de sang contre 81 % dans le groupe migrai­neux. Cette association ne pouvait être expliquée par la consommation d’an-talgiques. Récemment, dans notre consultation spécialisée pour la prise en charge de la migraine, avec J.P. Farmachidi, nous avons utilisé des questionnaires standardisés à la re­cherche d’un reflux gastro-œsopha-gien (RGO), d’une dyspepsie chronique idiopathique (DCI), d’un syndrome de l’intestin irritable (SII) (par les critères de Rome II). Sur 51 migraineux systé­matiquement étudiés, 35 (69 %) avaient un ou plusieurs TFI en dehors des crises migraineuses (14 fois un RGO, 32 fois une DCI, 22 fois un SII). Ces troubles sont volontiers regroupés dans le cadre d’une « hypersensibilité douloureuse » dont l’origine pourrait correspondre à des altérations neuro-immunes au ni­veau de la paroi digestive et reposerait sur un mécanisme de sensibilisation des voies nociceptives hypersensibles aux stimuli digestifs » [22, 23].
Les médiateurs impliqués dans l’hy-peralgésie viscérale sont nombreux dont la sérotonine. Celle-ci joue un rôle à tous les niveaux, du périphé­rique au central, aussi divers antago­nistes notamment 5HT3 ont été testés dont l’ondansétron, le granisétron [23].
Ce dernier est très efficace sur les nau­sées et vomissements induits par la chimiothérapie par voie veineuse. Dans une étude chez des migraineux, contre placebo, il n’a pas été noté de diffé­rence significative sur la douleur, ni même sur les nausées et vomissements de la migraine [7]. Ceci a conduit à l’arrêt des études des antagonistes 5HT3 dans l’indication de la migraine. D’autres antagonistes, des récepteurs 5HT1A et surtout des récepteurs 5HT4, sont à l’étude dans les TFI.
Insistons enfin sur la présence abon­dante de CGRP dans les afférences splanchniques et son rôle potentiel sur la motricité digestive. Des antagonistes des récepteurs CGRP1 ont été utilisés pour inhiber la vidange gastrique [23]. De même, de telles substances ont été testées dans la crise migraineuse [6], puisque le CGRP, nous l’avons vu, est libéré lors de la crise migraineuse et retrouvé à un taux élevé dans les veines jugulaires externes [5].

d) S’interroger sur la relation triptansphère digestive. Les triptans, tout particulièrement le sumatriptan qui a fait l’objet des études, sont des agonistes sérotoni­nergiques également actifs au niveau des récepteurs 5HT neurono-entériques. Ainsi, ils entraînent une relaxation nette du fundus ainsi que du côlon descendant, ce qui a suggéré leur pos­sible utilisation dans les dyspepsies fonctionnelles, les hypersensibilités à la distension gastrique, et même les TFI (24).

e) Rechercher une éventuelle relation migraine-maladie coeliaque : En testant pour les IgG anti-transglu-taminases et les IgA anti-endomysium 90 migraineux et 236 donneurs de sang servant de groupe contrôle, et en fondant le diagnostic de maladie cœ­liaque sur la positivité des anticorps, et en mettant alors en route un régime sans gluten, une maladie cœliaque a été retrouvée chez 4 des 90 migrai­neux contre 0,4 % des contrôles. Durant les 6 mois de régime sans glu­ten, un patient a cessé d’avoir des crises et 3 ont été nettement améliorés [25]. Ces notions restent à confirmer vu la grande prévalence de la maladie mi­graineuse et de la maladie cœliaque.

 

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