Maladie de Crohn en rémission clinique sous Adalimumab (ADA), est-il possible d’espacer les injections ?

Position du problème

La désescalade thérapeutique chez les patients avec une maladie de Crohn (MC) en rémission prolongée est un enjeu. Elle offre la possibilité de réduire les effets secondaires et les coûts. Néanmoins après arrêt de l'adalimumab (ADA), plus de la moitié des patients rechute à 2 ans (52%, Pauwels, 2021). L'objectif de cette étude était d'évaluer la possibilité d'espacer les injections chez des patients en rémission clinique ((Harvey-Bradshaw Index (HBI)) et biologique sous ADA.

Méthode

Il s’agit d’une étude ouverte, randomisée (2:1), contrôlée, multicentrique hollandaise, de non-infériorité, comparant un espacement (ADA 40mg/21j puis éventuellement /28j) versus ADA 40mg/14j pour MC en rémission clinico-biologique sous ADA (HBI<5, CRP<10, calprotectine<250, pas de corticoïdes) ≥ 9 mois . Le critère de jugement principal était l’incidence cumulée de poussée (≥ 2 parmi : HBI≥5, CRP≥10, calprotectine≥ 250) à 48 semaines, avec stratification sur l’utilisation d'immunosuppresseur.

Résultat

113 patients avec espacement de dose ont été comparés à 61 témoins. La non-infériorité à 48 semaines était atteinte dans le groupe espacement de dose avec 3 poussées/109 (versus 0/60 dans le groupe contrôle), soit un risque ajusté de +1,86% IC90% [-0,36, 4,12]. Cependant, dans le groupe espacement de dose, à S48, le taux de rémission clinique diminuait significativement (-16,1%), le taux sérique moyen d'ADA diminuait également et des anticorps apparaissaient chez 8 patients (versus 0 dans le groupe contrôle).

Conclusion

Si l’étude conclue à la non-infériorité de l'espacement de l'ADA à 3 ou 4 semaines, il faut noter l'absence de données endoscopiques et histologiques, une dégradation clinique significative, une diminution des taux sériques d'ADA et une immunisation survenant chez 7% des malades. Ces éléments imposent de considérer le résultat principal avec prudence.

Bastien GOULLET